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[Dossier] Le prêt-à-porter ou la chronique d’un déclin annoncé – #4 : 2020-2023, l’âge des crises et du retour aux sources du commerce.

[Dossier] Le prêt-à-porter ou la chronique d’un déclin annoncé - #4 : 2020-2023, l’âge des crises et du retour aux sources du commerce.

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e secteur du prêt-à-porter subit une crise sans précédent. Une hécatombe expliquée, pour beaucoup, par l’avènement du numérique, auquel les enseignes essuyant actuellement de grosses difficultés n’ont pas pris part assez tôt, ainsi que par la crise sanitaire et les fermetures de magasins qu’elle a induites. En réalité, les raisons de ces difficultés sont à la fois plus anciennes, plus nombreuses et plus profondes. Et si, finalement, le déclin de ces enseignes stars des années 90 avait pris racine il y une trentaine d’années, au moment-même où leur notoriété atteignait son paroxysme ?

 

Chronologie d’une apocalypse annoncée :

2020- 2023,  l’âge des crises et du retour aux sources du commerce.

 

Avril 2020. Partout dans le monde ou presque, les populations sont confinées depuis plusieurs semaines, suite à la propagation de la pandémie de Covid, qui s’est déclarée en Chine quatre mois plus tôt.

 

Bordeaux, Nouvelle Aquitaine. France. Jessica, 38 ans, télétravaille depuis son domicile. Cela fait plus d’un mois qu’elle a troqué sa blouse rétro Rouje en soie et son short en cuir Sœur pour un pantalon Uniqlo en flanelle et un hoodie Monoprix en pilou. Cela fait également des semaines qu’elle ne s’est pas maquillée et, pour des questions de confort, elle ne porte pas non plus de soutien gorge. Elle se dit qu’elle aura bien du mal à retrouver ses anciennes habitudes…et à remettre  les vêtements qu’elle portait d’ordinaire pour aller travailler. Lorsqu’on passe ses journées en pantoufles, la perspective de devoir reporter un jour des chaussures à talon  (ou même simplement des chaussures) peut se révéler pour le moins déplaisante…

Ses voisins, Stéphanie et Nicolas, 50 ans, hébergent leurs filles, Amandine et Emma, respectivement âgées de 26 et 18 ans. Amandine, qui travaille à Paris et vit dans un studio, a décidé de rentrer chez ses parents le temps du confinement. Au chômage partiel, elle s’amuse, lorsqu’elle ne télétravaille pas, à singer, avec ses amis et par écrans interposés, les vidéos de coachs sportifs et autres gourous du yoga, qui fleurissent sur les réseaux sociaux depuis que le confinement a été décrété. Elle s’amuse du fait que c’est la première fois que son jogging Lululemon sert à ce à quoi il était destiné au départ. Elle non plus ne se maquille plus. Elle n’a en revanche pas renoncé à ses produits de soin Typology, qu’elle continue d’appliquer chaque jour sur son visage. Visage que, par ailleurs, elle remarque être plus lumineux. Elle suppose que cela est dû à la baisse de pollution inhérente à l’absence de circulation automobile et pense au monde d’après en se demandant si l’urgence climatique fera enfin bouger les choses. Quand la crise sanitaire aura pris fin, elle pense partir en Indonésie et se mettre à son compte en travaillant à distance. En parallèle, elle compte s’engager, sur place, dans la lutte pour la préservation des ourang-outans. 

Pendant ce temps, sa petite sœur fait “école à la maison” et se dit que cela tombe décidément mal : Comment préparer son Bac en étant confinée ? La pandémie sera-t-elle derrière elle cet été, quand il sera temps de fêter la fin du lycée ? Et cet automne, lorsqu’elle fera ses premiers pas à l’université ? Pourra-t-elle enfin sortir et profiter de la vie étudiante, comme l’ont fait des générations de jeunes avant elle ? On le sait à présent. La réponse à toutes ces questions est non…. 

Durant les années qui ont suivi l’explosion de la pandémie, Emma n’aura profité que très sporadiquement de la vie estudiantine. Elle aura même dû renoncer à son année Erasmus à l’étranger. Finalement, elle aura passé le plus clair de son temps sur TikTok et Instagram…ainsi qu’avec ses parents. En 2023, le jour de son 21e anniversaire, elle a la sensation d’avoir subi un bond temporel l’ayant propulsée à l’âge des responsabilités, avant même qu’elle n’ait pu bénéficier de la relative liberté que lui auraient procuré ses trois premières années d’étude. Elle se dit que c’est le moment où jamais de prendre sa revanche sur ces précieuses années de perdues. Elle compte bien sortir, voir du (et même le) monde, s’amuser. En guise d’étendard, elle adopte le style Y2K, inspiré du look tapageur des années 2000, en réaction aux tenues à la fois sobres et décontractées de ses aînées, sa sœur en tête. N’ayant pas de revenus et étant tributaire du porte-monnaie de ses parents, Emma compte effectuer ses achats chez Shein et Boohoo, qui proposent des vêtements à la fois stylés et pas chers. 

 

Dans le même temps, le prêt-à-porter a subi, à plusieurs reprises, la fermeture généralisée de ses magasins, ceux-ci n’étant pas jugés essentiels par les pouvoirs publics. En 2020, la plupart des enseignes à réseau ont une présence en ligne et, le plus souvent et à quelques exceptions près (comme Primark), possèdent une boutique en ligne. Cette présence devrait logiquement combler le manque à gagner induit par la fermeture des points de vente physiques. Seulement, à force de confinements et de couvre-feux, la qualification arbitraire de “commerce non essentiel” finit par se muer en réalité concrète – et délétère – pour le secteur, les françaises passant le plus clair de leur temps chez elles, le plus souvent en tenue d’intérieur…

 

Les “75-85” ont bouleversé (et bouleversent encore) l’ordre établi du commerce.

 

Depuis la toute fin des années 2000, qui a vu l’apparition des concepts de “génération Y” et de “millenial” – que certains qualifient à présent d’arnaques marketing –, les professionnels du marketing et du commerce scrutent les moindres attentes et faits et gestes de la jeune génération. Avant cette période, nul ou presque ne s’intéresse autant au comportement de la jeunesse. Au début des années 2000, ce sont les trentenaires qui occupent le devant de la scène médiatique. Des trentenaires bobos, des trentenaires “adulescents”, nostalgiques d’un passé d’enfants gâtés par des parents boomers avides de leur offrir l’enfance paisible et opulente qu’ils n’ont pas pu avoir. Pendant ce temps, les vingtenaires de l’époque préparent, dans l’ombre et à la faveur d’une utilisation de plus en plus généralisée d’Internet, une révolution que personne n’a vu venir. 

On l’a vu dans la 2e partie de ce dossier : avec le Web 2.0 et l’arrivée du e-commerce, ces vingtenaires des années 2000 ont très largement contribué à la mondialisation de la concurrence dans le secteur du prêt-à-porter. Ce sont aussi les femmes de cette même génération qui, adolescentes dans les années 90, ont délaissé des enseignes comme Pimkie, au profit de Jennyfer, puis H&M et Zara. Ce sont encore ces mêmes femmes qui, dans les années 2010, ont tourné le dos aux enseignes historiques de milieu de gamme pour se tourner vers le luxe accessible. 

 

Ces femmes n’appartiennent pas forcément à la génération X (1965-1976 ou 1965-1979 selon les sources), ou à la génération Y (1980-1995  ou 1985-1995) ou à la micro-génération des Xennials (1977-1980). Elles sont nées, peu ou prou, entre 1975 et 1985 et peuvent donc appartenir, selon leur âge, à l’une ou l’autre de ces générations. Âgées entre 15 et 25 ans en 2000, aucune ne connaît Internet durant sa prime enfance…mais toutes ont déjà apprivoisé le Web lorsqu’elles atteignent l’âge adulte. C’est aussi cette génération qui voit arriver la téléréalité au début des années 2000. Avant, c’est elle, également, qui, enfant, vit l’âge d’or de la télévision – et par extension, de la publicité et du marketing – dans les années 80 et 90 et qui regarde le Club Dorothée (1987-1997) chaque mercredi. 

 

Passer d’une logique d’enseigne générationnelle à une logique de marque à forte identité.

 

En 2023, les “75-85” ont entre 38 et 48 ans. Certaines ont par conséquent passé le cap de la quarantaine durant la pandémie. À l’image d’Emma, la jeune “Z”, qui s’est vu confisquer son passage à l’âge adulte par la crise sanitaire, une part non négligeable des quadras post-covid sont passées, en l’espace d’une période dont la durée leur a paru infime, du statut de “jeune active” à celui de “femme d’âge moyen à mi-chemin entre son entrée sur le marché du travail et son départ en retraite”. Une fois les crises (sanitaire et de la quarantaine) digérées, vont-elles se diriger vers les marques censées leur être destinées, comme Caroll ou Maison 123 ? Rien n’est moins sûr. Premièrement, lorsqu’elles étaient adolescentes et/ou jeunes adultes, elles ont souvent vu leur mère fréquenter ces enseignes, ce qui ne joue pas vraiment en la faveur desdites enseignes. En outre, la génération “Club Do” a gardé en elle, comme les trentenaires des années 2000, une part non négligeable d’enfance et d’adolescence. C’est une génération “débraillée” comme le décrirait la génération qui l’a précédée, une génération “jeans baskets”, plutôt qu’une génération “tailleur-escarpins”. 

C’est à partir de cette génération qu’au fond, on a cessé d’avoir un “uniforme” réservé à chaque type d’occasion. De fait, il est rare, pour beaucoup, d’avoir une tenue pour le travail, une tenue pour le week-end et une autre pour les soirées. Ce qui importe, ce n’est pas le degré de formalité de telle ou telle tenue vestimentaire, mais le style qu’elle confère à celle qui la porte. En d’autres termes, cette génération ne veut pas avoir l’air “apprêtée”, elle veut simplement être elle-même ou, pour paraphraser un slogan lui-même paraphrasant une chanson, “venir comme elle est”. Pour attirer ces clientes, les enseignes ciblant traditionnellement la tranche d’âge à laquelle elles appartiennent devront en tenir compte, en passant d’une logique d’enseigne “générationnelle”, à une logique de marque à identité forte si ce n’est clivante. Elles devront aussi tenir compte de l’appétence d’une part de cette génération pour le luxe (fût-il accessible et décontracté), et garder en tête qu’à travers la seconde main, dont l’essor n’est plus à démontrer, les grandes maisons représentent dorénavant un concurrent de poids. Enfin, elles devront tenir compte des effets de la pandémie et de la normalisation du télétravail qu’elle a engendrée.  Aujourd’hui, bénéficier d’un, deux, voire trois jours de télétravail par semaine ne fait plus figure d’exception lorsque la nature du poste occupé le permet. Si on additionne ces jours avec les deux jours de week-end, il ne reste qu’une petite place pour le travail en présentiel et donc, pour les obligations vestimentaires que sous-tend une sortie à plus de 500 mètres de chez soi.

 

Quand les digital nomads brisent encore un peu plus les frontières du commerce.

 

C’est vrai pour les quadras…et ça l’est encore plus pour les Y nés après 1985. Comme Amandine, qui songe à partir s’installer en Indonésie pour travailler comme “digital nomad” et œuvrer en faveur de la biodiversité, de nombreux millennials ont pris la décision de partir s’installer à l’étranger ou, tout simplement, dans une autre région, et de travailler à distance, floutant encore un peu plus les notions de territoire et de zone de chalandise. Selon une étude menée en 2022, les digital nomads seraient pas moins de 10,2 millions à sillonner le monde (+50 % par rapport à 2019 !) et 50% d’entre eux auraient entre 25 et 34 ans. Finalement, après que les hipsters – qui appartiennent à cette génération – ont investi les quartiers populaires des grandes villes dans les années 2010, les Y investissent à présent tous les territoires, en France et à l’étranger, sans forcément y travailler, rendant presque caduques les typologies de territoire voire, si la tendance se confirme et se généralise, la notion même de tissu économique local. Dans un tel contexte, il devient de plus en plus difficile, pour les pouvoirs publics et pour les acteurs du commerce, d’arbitrer l’implantation de magasins dans un endroit donné. 

 

Des millenials toujours en quête de responsabilité, de durabilité et d’authenticité.

 

Outre leur goût pour le nomadisme, les millenials sont aussi ceux qui plébiscitent les premiers, dans les années 2010, les plateformes C2C de seconde main comme Vinted. En 2021, alors qu’il n’est encore question, ni d’inflation, ni de crise économique, ils représentent pas moins de 33% des acheteurs de vêtements d’occasion. Cela n’a rien d’étonnant puisque, dès le premier tiers des années 2010, les études menées auprès de cette génération montrent une forte propension des millenials à se tourner vers des produits durables et écoresponsables. Une tendance qui ne fait que se renforcer depuis la crise sanitaire. Une crise sanitaire qui, comme le soulignait, en 2021, le Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, «a mis en lumière les liens intimes et fragiles entre les êtres humains, les animaux et notre environnement ». Attachés à l’authenticité pour une part importante d’entre eux, les millenials affectionnent également beaucoup les articles made In France et ce, même s’ils restent (pour l’instant) fidèles aux enseignes pionnières de la fast fashion, que sont H&M et Zara. Pour ces enseignes, l’enjeu est donc de s’adapter aux attentes et habitudes de leurs clientes, que ce soit en termes de responsabilité sociale et  environnementale (conditions de travail dans leurs usines, impact carbone de la fabrication des vêtement et de leur transport…), que de modes de consommation (seconde main, location…). Et il semblerait que les deux enseignes aient effectivement pris conscience de cet enjeu. Dès 2019, Zara a par exemple annoncé passer aux textiles 100% durables d’ici 2025. En 2022, H&M s’est donné pour objectif de proposer 100% d’articles circulaires, à travers la seconde main, le recyclage, la location et la réparation. 

 

Enfin, son attachement pour l’authenticité, couplé avec son goût pour l’expérience confère à cette génération un goût qui ne se dément pas pour le magasin physique. En 2020, une étude Oracle NetSuite a même révélé que les millenials étaient en fait plus enclins à se rendre en magasin… que la génération X (qui comprend une part importante des “75-85”). Finalement et si l’on en croit les chiffres, au cours de ces 10 dernières années, les acteurs du commerce ont craint que les plus jeunes ne désertent les magasins…alors que c’est la génération d’avant qui s’est en fait – et depuis le début – tournée en masse vers le e-commerce ! 

 

La GenZ, cette génération dont tout le monde parle mais que personne ne connaît.

 

Les Z, quant à eux et toujours selon la même étude, montrent, comme les millenials, une plus grande appétence pour le magasin physique que les X. Aux États-Unis, à l’occasion du Black Friday, ils se sont d’ailleurs rendus en masse dans les centres commerciaux pour y faire du shopping, mais également pour y passer du bon temps entre amis car comme Emma, ils ont passé leurs années de collège, de lycée, ou leurs premières années d’études enfermés, souvent avec leurs parents, avec leur smartphone pour seul outil de socialisation. Justement, c’est durant la pandémie que les professionnels du marketing et les médias commencent à s’intéresser de très près à cette génération ultra connectée (qui semble passer ses journées sur Tik Tok) au détriment de l’intérêt qu’ils portaient aux millenials jusqu’ici. Nés entre 1996 et 2000, les membres les plus âgés de la GenZ ont fêté leurs 20 ans entre 2016 et 2020. Ce sont à présent des adultes qui, pour certains, sont entrés récemment dans la vie active et gèrent eux-mêmes leurs dépenses. Il n’est ainsi pas étonnant qu’ils soient scrutés à leur tour et fassent, comme leurs aînés, l’objet de nombre d’études et enquêtes. Des études et enquêtes qui, le plus souvent, disent tout et son contraire et qui, mises bout à bout, créent un portrait-robot pour le moins bigarré de la génération Z : écoresponsables, ultraconsoméristes, intolérants, très tolérants, gender-fluides, féministes, sexistes. Pour résumer : la GenZ est tout… et son contraire. 

Ce nombre incalculable de paradoxes met en lumière le biais auquel se heurte actuellement quiconque cherche à sonder les attentes et comportements d’une génération, quelle qu’elle soit. Ce biais réside dans les crises que nous traversons depuis le début de la pandémie, en mars 2020.  Après deux années rythmées par les confinements et les couvre-feux, après les angoisses générées par la présence d’une guerre sur le territoire européen, avec la crise inflationniste et la crise climatique qui s’accélère, nous ne sommes plus vraiment nous-même. Et nous ne serons plus jamais les mêmes qu’avant la crise. Nous nous sommes tous retrouvés enfermés, nous avons tous sociabilisé par procuration, à travers nos écrans. Nous avons tous été confrontés plus que jamais aux algorithmes qui nous montraient ce que nous voulions voir et nous disaient ce que nous voulions entendre. 

 

Des “boîtes communautaires” hermétiques régies par les algorithmes.

 

C’est d’autant plus vrai pour les GenZ qui n’ont jamais connu de monde sans algorithmes. Pour qui a connu le “monde d’avant”, il est très compliqué si ce n’est impossible de se figurer une telle réalité, quasiment dénuée de surprise et de contradiction. La crise sanitaire n’aura fait que renforcer ce phénomène en empêchant la jeune génération de se confronter à l’autre : l’autre d’une autre école, d’un autre quartier, d’une autre ville, région, d’une autre culture ou d’une autre classe sociale. Coincés chez eux en famille, leurs parents et leurs frères et sœurs ont été les seuls “étrangers à leur communauté” à qui les GenZ ont eu affaire. Si cette génération était un genre musical, ce serait le rock (probablement à son corps défendant). De la même manière que le rock, la GenZ se compose de communautés plus ou moins hermétiques, qui ne communiquent pas entre elles ou qui ne se comprennent pas (ou même se jugent et se méprisent) lorsqu’elles se parlent, comme un fan de Punk face à un fan de Heavy Metal, et inversement. 

 

Ce cloisonnement en “boîtes communautaires”, des acteurs comme Shein, rompus aux réseaux sociaux comme TikTok, en font leur pain béni. À coups de hashtags ultra-ciblés, le géant chinois de la mode à petits prix sait toujours appuyer où il faut et quand il faut, au sein  de la communauté qu’il faut. Sur son site, tous les styles de vêtements sont représentés et ces vêtements sont portés par des mannequins de toutes tailles, de toutes morphologies et de toutes origines. On y trouve toujours l’article que l’on cherche, porté par une femme qui nous ressemble. Sauf qu’au sein de la jeune génération, de plus en plus de voix s’élèvent contre le surconsumérisme et les stratégies marketing, notamment d’influence, qui l’encouragent. Depuis le début d’année, sur TikTok, des créateurs de contenu incitent par exemple  leurs followers à ne pas consommer, par le biais de hashtags comme #saveyourmoney, #antihaul ou encore #consciousconsumer. 

 

Une cible mouvante que certains réussissent malgré tout à capter.

 

Comme les générations qui l’ont précédée, la GenZ a ses spécificités. Mais elle est avant tout composée d’individus dotés, chacun, de ses propres attentes, de ses propres convictions et de ses propres habitudes. L’erreur serait donc de la considérer comme une entité monobloc. À l’image des quadras des années 2020, ce n’est pas son âge qui la définit, mais son histoire passée, présente et future. Chaque génération constitue une cible mouvante et la jeune génération encore plus que les autres. Plus on est jeune, plus les cycles de modes et de tendances sont courts. Avec l’ultra-connexion des Z, ces cycles  tendent à se raccourcir toujours plus et toujours plus vite. Pourtant, certains acteurs ont réussi, depuis leur création, à comprendre et à attirer les jeunes en magasin, en se renouvelant sans cesse. En France, c’est le cas, entre autres, de Citadium. 

Dans les années 2000, au moment de sa création, le Citadium proposait toutes les marques prisées par les jeunes de l’époque, comme Miss Sixty, Diesel ou Volcom. Le magasin a ensuite intégré à son offre des marques de la fast fashion, moins chères, mais pouvant se prévaloir d’un style qui n’avait rien à envier à ses références plus premium, comme Pull & Bear (groupe Inditex). De plus, le magasin propose, dans les années 2010, des articles vintage et de la seconde main, ainsi que des marques chères aux hipsters, comme Patagonia.

En 2022, le Citadium fait disparaître ses rayons femme et homme au profit de corners mixtes. Il fait également la part belle au streetwear, tendance phare de la mouvance Y2K, lancée par la GenZ et s’inspirant très largement de la mode des années 2000. 

 

Effectivement, la crise sanitaire et les fermetures de magasins dits “non essentiels” ont été néfastes pour le secteur. Oui, il est important d’être présent à la fois en physique et sur le digital, et de proposer un parcours d’achat fluide et sans couture. En effet, en période d’inflation, les consommateurs réduisent leurs dépenses et il est vrai que cet arbitrage se fait rarement au profit du prêt-à-porter. C’est vrai, aussi, que la manière dont est gérée une entreprise représente un facteur clé de réussite ou, au contraire, d’échec, parfois fatal. Néanmoins, ce sont avant tout les clients, leurs attentes, leurs satisfactions et leurs déceptions qui font et défont les commerces.  Ces clients, il ne s’agit plus de les assimiler à des couches générationnelles et sociales. À l’heure de la mondialisation de la concurrence et des algorithmes, la seule segmentation par l’âge et le prix ne fait plus sens. C’est par la verticale (le qualitatif) et non plus par l’horizontal (le quantitatif), que les acteurs du prêt-à-porter devront désormais, aussi et surtout, raisonner. Au cours des 40-50 dernières années, le secteur du prêt-à-porter s’est unifié, avec pour conséquence, une perte d’identité pour les enseignes, qui peinent à se différencier. Il est temps de briser cette uniformité et de se différencier par un style et des convictions fortes, en n’envisageant plus le client par le seul prisme des chiffres et statistiques. En ce sens, ce changement de paradigme s’assimile à un retour aux sources du commerce, tel qu’il existait avant l’âge d’or du marketing et de la publicité. Tel qu’il existait avant que les “75-85” ne regardent le Club Dorothée. 

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