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Le micro-commerce : l’avenir du commerce ?

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Bien des économistes, notamment sous l’ influence de Marx, considèrent le commerçant comme un simple intermédiaire, dont le seul objectif (et le seul objet, finalement) serait de faire de la marge en revendant, plus cher, des produits qu’il a lui-même achetés. Ils érigent ainsi une frontière entre l’ouvrier, le marchand et le producteur, et délégitime, par là-même, le métier de commerçant en occultant, par exemple et en premier lieu, son rôle de vecteur social.

Un point de vue somme toute logique pour quiconque épouse la théorie marxiste, puisque selon le philosophe, le commerçant n’est qu’un vecteur de circulation du capital-marchandise, qu’il transforme en capital-argent en générant du profit. Profit qu’il pourra réutiliser pour acquérir et faire circuler d’autres marchandises. Et ainsi de suite…

Un commerce processé à l’extrême, où l’humain n’a plus sa place.

Oui. En un sens, le commerce, dans sa forme la plus automatisée, processée, n’est autre qu’un vecteur de circulation de produits et de services. Des produits et des services qui sont délivrés au consommateur dans un délai toujours plus réduit et ce, sans que le moindre échange “entre humains” ne soit nécessaire. Un commerce “optimisé”, taylorisé, où les tâches sont parcellisées, découpées en une pléthore d’hyper-spécialisations. 

Et l’un des effets pervers de cette hyper-spécialisation et de la transformation (pour ne pas dire la réduction) du commerce en une suite de process n’est autre que la perte de sens et de lien. Évidemment, ces process simplifient la vie de ceux qui produisent, de ceux qui vendent et de ceux qui consomment. Une entreprise comme Amazon en est le parfait exemple : simple logisticien au service, justement, de la circulation des marchandises et des transactions générées par leur achat par les consommateurs, le géant du e-commerce offre, à ses clients, une “expérience” d’achat fluide, rapide et sans couture, de la recherche de produits jusqu’à la livraison, en passant par la transaction, et même après, avec des retours produits plus que facilités. 

Boostée par l’avènement des nouvelles technologies et couplée avec les automatisations qui lui sont inhérentes, cette fluidification du parcours d’achat a fait basculer la planète retail dans l’ère du commerce algorithmique. Un commerce toujours plus efficace, toujours plus personnalisé selon les attentes (supposées : nul algorithme n’est infaillible) du consommateur. Un commerce sans visage, sans contact, dont les maillons (interchangeables !) de la chaîne logistique sont aux ordres d’un algorithme qui prévoit les demandes, contrôle les stocks, planifie les envois. Un management “par la machine”, froid, où tout n’est que chiffres (réduction des coûts, des délais…) et qui s’avère cruel sur le plan social ! 

Au fond, à force de dire que le commerce n’est pas vertu humaine, il a fini par se déshumaniser…et donner raison à ses détracteurs. Un peu comme une sorte de méthode Coué appliquée à la pensée négative : on a collé une étiquette au commerce, et cette étiquette est devenue réalité, du moins, pour une partie des entreprises du secteur. Car oui, de tout temps, il a existé et il existe un commerce vertueux, qui fait sens, autant pour le client que pour le commerçant, un commerce créateur de lien qui ne se résume pas au fait d’acheter et de revendre des marchandises. S’il existe une parfaite incarnation de ce commerce vertueux, c’est le micro-commerçant.

Le micro-commerçant : un couteau-suisse au service du lien client.

Durant la crise sanitaire et, particulièrement, lors des périodes de confinement, les français ont plébiscité leurs petits commerçants de quartier et ont opté, en nombre croissant, pour des produits locaux et/ou issus de l’économie circulaire. Ils sont aujourd’hui aussi de plus en plus nombreux à favoriser un commerce responsable, soucieux de son impact social et environnemental : l’impact environnemental positif influence la décision d’achat à 55%, comme l’origine locale des produits à 35%, loin devant la marque (32%). (Source : baromètre GfK, 2020). Les français sont aussi en recherche de sens. Dans leur travail et, plus largement, dans leur vie quotidienne : dans leurs loisirs, dans leurs voyages, dans leurs achats. 

Or, le micro-commerçant, qu’il vende des produits ou des services, contribue, par sa proximité et par le caractère global et polymorphe de son activité, à remettre du liant dans le métier de commerçant.  Le micro-commerce, c’est un commerce à taille et à visage humains, un commerce à toute petite échelle. Souvent, le micro-commerçant exerce seul son activité. Souvent, le micro-commerçant vend ce qu’il fabrique et/ou s’occupe lui-même de son site e-commerce et/ou livre lui-même ses clients. Il floute la frontière entre l’artisan et le marchand. Il n’est pas rare que l’on monte son micro-commerce pour vivre de sa passion, pour donner du sens à son travail, ou encore pour avoir un impact positif sur la société ou sur l’environnement. Quoi de mieux qu’un commerçant passionné pour redonner du sens au métier ? Lorsqu’on fait commerce du fruit de sa passion et/ou d’une expertise spécifique (cuisiner, restaurer des meubles, fabriquer des bijoux, offrir des services de bricolage..), on doit, en plus de son cœur de métier, faire ce que font les gros commerçants à son échelle : personnaliser son offre, prendre en compte la saisonnalité, faire du service après-vente, prospecter… Le micro-commerçant humanise des fonctions qui, ailleurs, sont volontiers processées et déléguées à des algorithmes. 

En somme, le micro-commerçant se révèle l’exacte antithèse de l’acceptation marxienne du commerce. Sorte de couteau suisse au service de sa propre entreprise et de ses clients, il est  le ciment qui, à la fois, redonne du liant et du sens aux métiers du commerce et crée du lien avec ses clients et, plus largement, avec les habitants de son quartier. Et c’est à la fois dans le liant, dans le sens et dans le lien que réside l’avenir du commerce.