TOP

[Dossier] Les centres commerciaux font leur révolution : Comment réinventer les centres commerciaux ?

centres commerciaux

Maillon central dans la chaîne de valeurs du retail, les centres commerciaux sont à la croisée des chemins. Avec la montée en puissance des achats en ligne et l’évolution des habitudes de consommation, ce modèle, qui a connu un succès planétaire, doit désormais être repensé. Explications.

 

En 2023, la France comptait 746 centres commerciaux alors qu’il y en avait 811 en activité en 2017, ce qui représente un recul de 10% en moins de dix ans. Si ces points de vente XXL ont toujours les faveurs du consommateur, avec plus de 3 millions de visiteurs qui ont fréquenté leurs allées en 2023, les volumes d’achat qui y sont effectué ne cessent de diminuer, avec une baisse de 1,9% l’année dernière selon les chiffres fournis par la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (FACT). Et la France n’est pas un cas isolé. 

 

Aux Etats-Unis, où le concept est né au début du 20ème siècle, rien ne va plus depuis la crise sanitaire, alors même que la situation des « shopping malls » était déjà largement dégradée avant l’arrivée du Covid. En 2020, J.C. Penney, Neiman Marcus et J. Crew, mastodontes centenaires des chaînes commerciales en Amérique du Nord qui totalisaient à eux trois plusieurs milliers de points de vente à travers le monde, avaient décidé de se placer sous la protection de la loi sur les faillites, tandis que Macy’s, autre mastodonte qui à ce moment là avait fermé 170 magasins depuis 2016, luttait pour sa survie. Ces géants essaient depuis de remonter la pente, non sans mal. En 2023, Wallmart, leader absolu des shopping malls de la grande distribution américaine et mondiale avec 10500 points de vente au compteur, a décidé de revoir sa stratégie de développement et de freiner les ouvertures de sites lorsque sa branche e-commerce a dépassé pour la première fois les 100 milliards de dollars de recettes. 

 

Ailleurs dans le monde, la dynamique est la même. Le nombre de mètres carrés exploités ne cesse de diminuer à mesure que la fréquentation fait de même. Les principaux indicateurs ont basculé dans le rouge, que ce soit celui de la vacance des espaces de vente, ou celui de la baisse des chiffres d’affaires. 

 

Pour les centres commerciaux,  la tendance est donc clairement à l’essoufflement. Alors que les plateformes numériques proposent une offre de biens et de services nettement plus importante et tout à fait hors de portée du commerce physique, rien ne laisse présager que le modèle actuel ait suffisamment d’atouts dans son jeu pour faire vibrer à nouveau la corde sensible du consommateur. Il est devenu nécessaire de changer de braquet et d’innover. Comment y parvenir ? Quels leviers faut-il actionner ?

 

Tournant responsable.

 

Temples de la consommation dont l’ADN trouve son origine dans l’économie linéaire, les centres commerciaux accélèrent leur virage vers le vert. Alors que tous les sondages indiquent que l’environnement est devenu la première source d’inquiétude des Français, et que l’éco anxiété gagne les consommateurs du monde entier, le secteur multiplie les initiatives vertueuses, déployant de nombreux projets autour des énergies propres, de la végétalisation et du recyclage. Preuve de cette inflexion, Les Terrasses du Port, vaste ensemble commercial qui s’étend à Marseille sur 230 000 mètres carrés, dispose d’un parc photovoltaïque de 5 000 m2 qui alimente à hauteur de 20% les parties communes, et bénéficie en complément de l’énergie verte fournie par la centrale de géothermie maritime Thassalia. En 2022, le groupe Klépierre, leader européen des centres commerciaux, a annoncé avoir doublé sa production d’électricité décarbonée, avec désormais 11 sites équipés de parcs solaires. En octobre 2023, dans la même dynamique, Unibail-Rodamco-Westfield, qui opère 72 centres commerciaux dans 12 pays, a révisé à la hausse ses engagements climatiques afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. 

 

Énergies  renouvelables, renaturation, recyclage… Sur place, le consommateur peut voir les efforts qui ont été réalisés par les enseignes. Les lieux physiques matérialisent les engagements RSE et deviennent des lieux de la preuve qui rassurent les visiteurs. C’est un puissant facteur de différenciation car il est beaucoup plus difficile pour le e-commerce de faire de même, notamment en ce qui concerne la relocalisation des chaînes logistiques qui constitue une importante source d’économies carbone. 

 

« À l’avenir, il y aura certainement un lien avec tout ce qui tourne autour des thématiques du local et du développement durable. Les centres commerciaux proposent un maillage territorial important. Ils pourraient demain aussi être une plateforme logistique de réception et de livraison en circuit court pour rayonner au niveau local. Vous n’êtes pas obligés de passer par des plateformes au bout du monde pour commander un produit qui finalement est peut-être disponible à 50 kilomètres de chez vous, sauf que vous ne le savez pas », analyse Bastien Leal, président de la commission marketing et innovation du CNCC (Conseil National des Centres Commerciaux).

 

De fait, tout indique que les centres commerciaux sont appelés à devenir des acteurs à part entière de la transition écologique. A ce titre, le CNCC a annoncé fin 2023 que 23 sites tricolores avaient obtenu la certification Breeam (BRE Environmental Assessment Method), un des plus hauts standards internationaux pour évaluer la qualité environnementale et la durabilité des bâtiments. Ce tournant responsable constitue un progrès important, mais ce n’est cependant pas la seule transformation à l’œuvre.  

 

Bien plus qu’un mall.

 

Pour faire évoluer le modèle en profondeur, il faut aller au-delà du centre commercial traditionnel. Il faut casser le cadre, diversifier l’offre et réinventer les propositions. Pour reconquérir un consommateur qui est de plus en plus habitué à faire ses courses depuis son smartphone, sans se déplacer plus loin que son canapé, il faut transformer les sites de vente en espaces de vie riches d’un grand nombre d’animations. C’est le pari fait par Unibail-Rodamco Westfield qui entend devenir une « destination » numérique et physique, un endroit qui fait rimer loisirs, divertissements et consommation en tressant boutiques, restaurants, cinémas, escape games, activités sportives et culturelles. Au centre commercial Westfield de Lyon Part-Dieu, une salle d’escalade indoor de 770 mètres carrés a été installée dans un coin de galerie marchande, tandis que le programme « La tête dans les nuages » propose sur plus de 2000 mètres carrés une vaste gamme de « plaisirs ludiques »,  avec « plus de 100 jeux d’arcade, des attractions en réalité virtuelle, un théâtre 3D interactif ». Le centre commercial Le Polygone de Montpellier mise sur la même stratégie avec Poly’Kids, un mini-parc indoor réservé aux enfants, et propose de nombreux services pour les adultes, lavage de la voiture, bornes de recharge pour véhicules électriques, chargeurs de téléphone, photomaton…  A ce retailtainment débridé vient s’ajouter une programmation culturelle de premier choix, avec de nombreux concerts et showcases organisés sur les sites exploités Unibail-Rodamco Westfield auxquels participent un large éventail d’artistes connus, que ce soit John Legend, Rita Ora, Aya Nakamura, Kendji Girac ou encore Lady Gaga.

 

Pascal Barboni, Directeur général adjoint au développement de Frey, un des principaux acteurs de l’immobilier de commerce, explique : « Plutôt que des centres commerciaux, nous créons avant tout des centres d’intérêts collectifs, vivants, conviviaux et respectueux de l’environnement. Au travers des lieux que nous gérons et développons, nous voulons montrer que l’utilisation du commerce dépasse celle de la simple transaction marchande et participe à la mise en relation des individus. Nous prônons un commerce durable, tant pour l’environnement que pour nos visiteurs et nos commerçants. «  

 

A l’avenir, d’autres dispositifs pourraient venir compléter ceux qui sont testés par les différents acteurs, comme le développement d’espaces de coworking, de centres de formation, de services de santé, de spas, de salons de coiffure, de beauté ou de massage, de cours de cuisine, de yoga ou de zumba, de même que l’organisation de conférences, de séminaires, de débats, d’expositions d’art contemporain ou d’ateliers oenologiques pour faire connaître les secrets du vin. Les possibilités sont infinies pour enrichir, stimuler et sublimer l’offre commerciale. 

 

Ainsi, pour stimuler la fréquentation, la dimension expérientielle est désormais positionnée comme le principal levier d’attractivité, le sésame pour séduire, captiver et fidéliser le consommateur. C’est un tournant aussi important que celui du repositionnement écologique. Il ne s’agit plus seulement d’acheter mais aussi et surtout de partager des moments en famille ou entre amis, de se divertir, de s’émerveiller, de découvrir, d’apprendre, d’expérimenter. Aujourd’hui, tout ce qui peut différencier le centre commercial de la plateforme de e-commerce est bon à prendre et l’avenir du secteur s’écrira aussi bien dans cette distinction fondamentale que dans son engagement pour l’environnement.

Consulter l’intégralité du dossier :