Antoine Barbier, CEO d’Altavia Fil Rouge « À un moment donné, les annonceurs ne voudront plus que des signalétiques répondant aux standards responsables. »
Antoine Barbier, CEO d’Altavia Fil Rouge
Alors que la transition écologique concerne désormais tous les secteurs, les acteurs de la signalétique doivent faire évoluer leurs pratiques pour tendre vers le moindre impact environnemental. Comment y parvenir ?
Entre l’extraction des matériaux nécessaires pour fabriquer les éléments de communication, leur transport sur de longues distances et leur transformation en usine, la signalétique est une activité particulièrement polluante. Depuis peu, un nombre croissant d’alternatives voient le jour pour accompagner les entreprises vers des procédés moins impactants, et enclencher la transition écologique de la signalétique. En quoi consistent ces alternatives ?
Réponse avec Antoine Barbier, CEO d’Altavia Fil Rouge, agence spécialisée dans le merchandising, la signalétique, et la théâtralisation qui est pleinement engagée dans ces nouvelles pratiques.
Quelle est la proposition de valeur d’Altavia Fil Rouge ?
Nous avons deux grands métiers réunis autour d’une même cause qui est l’image des marques dans les points de vente. Nous installons tout ce qui a trait aux éléments de communication avec un premier volet sur le merchandising. Nous animons une population de 160 merchandisers sur le terrain à qui nous envoyons tous les éléments de PLV des marques pour faire des mises en avant de produits. Nous avons un deuxième volet d’activité qui est la signalétique. Nous travaillons avec les retailers pour les aider à améliorer leur image, en changeant les enseignes, en changeant tous les éléments de communication qui font rayonner un point de vente.
En matière d’éco-responsabilité, quel est le niveau de maturité de vos parties prenantes ?
Dans le monde de la mise en avant, ce sont des sujets qui sont assez prégnants. Les communications qui utilisent du carton commencent à être challengées, de même que les emballages. La fin de vie est un élément qui est désormais pris en compte. La reverse logistique s’installe. La PLV est donc un écosystème qui est sensible à ces enjeux. Ce sont des problématiques qu’on retrouve moins dans le monde du retail, ce qui ne veut pas dire qu’elles n’existent pas.
Quel est le coût écologique de la signalétique ?
La matière première qui est utilisée pour fabriquer les éléments de communication est un dérivé du pétrole. Il y a aussi du transport sur de longues distances et de la transformation en usine. Ce qui a beaucoup d’impact, c’est la fin de vie de ces matériaux car ils sont constitués de PVC. Ils ne peuvent pas être incinérés car ça dégage des fumerolles toxiques. Ils sont donc enfouis. On estime à 1000 ans le temps nécessaire pour qu’ils se dégradent. Une communication réalisée cette année sera donc encore visible dans 1000 ans. Pour autant, on a une gamme de matériaux sans PVC qui est disponible, et on commence à avoir des fins de vie qui sont beaucoup plus nobles grâce à la revalorisation énergétique. On incinère ces matériaux et on se sert de la chaleur dégagée pour faire tourner des usines, notamment des cimenteries. On peut également en faire de la poudre et on peut même aller jusqu’à ce qui nous semble être la seconde vie la plus noble…. On va récupérer ces matériaux, on va les laver, les chauffer et les broyer pour en faire des granules de polypropylène (PP), qui vont être réinjectés dans le circuit industriel pour refabriquer d’autres matériaux.
L’économie circulaire fait donc partie de l’équation…
Tout à fait. On perd cependant un petit peu de la propriété au fur et à mesure qu’on les chauffe et qu’on les reforme. Cela donne des matériaux un peu moins nobles que la matière première. Néanmoins, on peut utiliser les granules pour faire énormément de produits, énormément d’objets. On fait des pièces de voitures, des habillages de frigo, des éléments qui servent à l’isolation. Il y a un grand nombre de réemplois possibles. Dans l’absolu, on peut réutiliser les granules sept fois. Ce qui évite à chaque fois l’extraction, le transport et la transformation des matériaux, ainsi que le traitement du pétrole.
Est-il possible de chiffrer la baisse d’impact qui est réalisée ?
On chiffre la baisse. Dans le process que nous proposons, les matériaux collectés sont envoyés dans une usine qui va faire le retraitement. Les tonnages réceptionnés sont comptabilisés et indiqués dans un document Cerfa. Ces documents témoignent de la consommation de matériaux de nos clients et peuvent rentrer dans leurs bilans énergétiques et leurs rapports RSE. Pour l’instant, nous avons des clients qui ont remplacé le PVC mais nous n’en avons pas encore qui ont souscrit à l’offre complète qui consiste à utiliser les matériaux, les récupérer et les réemployer. C’est une offre qu’on promeut en tout cas à chaque proposition commerciale.
Est ce qu’il y a de la recherche et développement qui est faite pour améliorer les propositions existantes ?
C’est le cas. Nous sommes partenaires d’un importateur de matières pour lequel nous réalisons des tests de durabilité des matériaux. Depuis 2016, nous collaborons avec lui sur une gamme de matériaux responsables. L’autre aspect sur lequel nous travaillons, ce sont les colles. Il faut trouver le juste équilibre entre le pouvoir adhésif de la colle et l’utilisation de la chimie pour arriver au meilleur résultat possible.
La colle étant toxique et polluante, existe-t-il des alternatives biologiques ?
Il y a une grande variété de colles avec moins de chimie mais avec une tenue moins durable. Il cependant considérer que si la colle est l’élément le plus toxique, son poids global sur la signalétique représente assez peu de choses. Ce n’est pas ce qui pèse le plus dans l’ardoise écologique du media.
Qu’est ce qui a le plus d’impact du coup ?
Le premier agent toxique, c’est le PVC. Il faut rappeler qu’il a été enlevé de la plupart des produits de consommation courante, bien que l’industrie continue d’en utiliser beaucoup. Il faut absolument qu’on sorte de ça, ne serait-ce que parce que c’est un dérivé du pétrole. Mais enlever le PVC est une action plutôt simple. Il faut cependant justifier la différence de prix, même si ce n’est pas gigantesque.
Parce que ça coûte plus cher ?
Ça coûte un peu plus cher, de l’ordre de quelques pourcents en plus. Chez Fil Rouge, nous avons pris le parti de gommer cet écart en prenant sur notre marge, afin que le prix ne soit pas un frein. Ce qui est aussi la position de notre fournisseur de matières.
Est-ce que les clients de Fil Rouge sont majoritairement sensibles à ces enjeux ?
Il y a un avant et un après Covid. Ça a longtemps été un vœu pieux mais depuis la crise sanitaire, il y a une précipitation de la demande, sans que ce soit nécessairement devenu une priorité pour toutes les entreprises.
Certaines ont peur d’avoir une altération des couleurs ou de la qualité. D’autres sont très attachés à leurs habitudes et ne veulent pas changer. Tous nos clients n’ont pas encore basculé. Sachant que par principe, quand on n’a pas de consigne particulière sur une matière, on switch sur une solution sans PVC.
La Stratégie Nationale Bas Carbone, qui vise la neutralité des émissions en 2050, peut-elle accélérer cette transition ?
Je le souhaite. Je pense que la conscience collective avance. Les engagements pris contraignent de plus en plus l’industrie à se soucier de ce problème. Au fur et à mesure, nous allons embarquer toutes les problématiques. En tant qu’agence, nous devons être prêt à y répondre et à être force de proposition. Donc c’est vraiment maintenant qu’il faut se connecter aux solutions naissantes. Je pense que la transition va progresser. A un moment donné, il va y avoir une bascule et les annonceurs ne voudront plus que des signalétiques répondant aux standards responsables. De ce fait, il faut contribuer à leur développement.
À quelles évolutions peut-on s’attendre dans un avenir proche ?
Pour l’instant, nous proposons une seconde vie qui n’est pas encore complète. Notre objectif, c’est d’arriver à faire mieux en recyclant les matières suffisamment noble pour qu’elles puissent servir à faire du média d’impression et qu’on ait une forme de boucle bouclée avec la garantie d’un euro investi chez nous dans un matériau d’impression qui ressert quasiment pour la campagne suivante par ce qu’on saura le transformer et refabriquer une matière qui permet de faire de la communication visuelle.