Carton vert, la première solution de réemploi de cartons en France.

C’est à l’entreprise rochelaise Carton Vert, créée en 2020 par Antonin Hameury-Hao et Romain Dupuis, que l’on doit la création de la filière de réemploi du carton d’emballage. L’entreprise redonne une seconde vie aux cartons qu’elle collecte auprès de grands industriels.

Comment l’idée du réemploi du carton d’emballage commercial est-elle née ?

Antonin Hameury-Hao : C’est dans l’esprit de Romain Dupuis que ce projet a vu le jour. Sa précédente activité professionnelle nécessitait d’expédier des produits. Plutôt que d’acheter des cartons neufs, il récupérait ceux qui avaient déjà servi, dans les bennes ou auprès des commerces. La plupart était en excellent état. L’idée d’organiser une collecte à plus grande échelle est alors née. Nous nous sommes rencontrés, fin 2019, lors d’une campagne municipale. L’entreprise Carton Vert a été créée en septembre 2020.

Au début, vous vous adressiez aux commerces et aux magasins des zones commerciales de La Rochelle pour collecter des cartons. Pourquoi vous êtes-vous assez vite tournés vers les industriels ?

AHH : Nous avons en effet réalisé que les commerces ne représentaient pas les bons gisements, en raison du trop petit volume des cartons et de leur trop grande variété. Les industriels répondaient davantage à notre cahier des charges avec un tonnage plus conséquent, allant de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de tonnes, et des bennes de recyclage à disposition.

© Carton Vert

Qui a été votre premier grand partenaire ?

AHH : Léa Nature, fabricant de produits biologiques et naturels, situé à La Rochelle. L’entreprise nous a même offert les cartons dans un premier temps, nous permettant ainsi de mettre en place des tests, qui se sont révélés concluants. Notre activité a vraiment commencé à la fin de l’année 2021.

Comment résumer la proposition de Carton Vert ?

AHH : Nous collectons des emballages déjà utilisés, encore en très bon état (ou même neufs !) pour éviter qu’ils ne finissent à la benne et nous les revendons à des prix très compétitifs à des professionnels, des e-commerçants, des logisticiens et des répartiteurs. L’objectif est d’avoir un impact environnemental positif tout en travaillant en partenariat avec des structures de réinsertion dans une démarche d’économie sociale et solidaire.

Comment expliquer que les cartons soient encore en très bon état lorsque vous les collectez ?

AHH : Les cartons des industriels sont très souvent en bon état car ils ont voyagé sur palette et ont été filmés. Ils n’ont pas trop souffert.

Même les cartons de notre client Longchamp, qui viennent d’Asie et ont plus vécu, sont de très bonne qualité.

Les cartons ont pourtant été fabriqués pour un usage unique, ce qui parait incroyable ! Les cartonniers n’ont jamais pensé à mettre en place une boucle. Carton Vert crée une toute nouvelle filière, qui s’adresse à un marché très vaste.  Personne n’y a pensé avant, sans doute parce que le recyclage est tellement installé que le réemploi n’a même pas été envisagé. 

Rentrer dans une boucle de réemploi demande juste un peu plus d’effort et de soin au moment de l’ouverture et du stockage des cartons. La motivation financière aide les industriels à changer leurs habitudes.

Concrètement, quel est l’impact de Carton Vert sur la réduction de l’empreinte carbone ?

AHH : Nous avons fait appel à Ekodev, cabinet spécialisé dans le calcul d’émissions CO2 évitées, afin d’obtenir des chiffres clairs et précis sur les économies de CO2 réalisées grâce au réemploi.

Environ une tonne d’émissions CO2 est évitée pour chaque tonne de cartons réemployés ! C’est-à-dire qu’à chaque tonne de cartons que nous collectons pour ensuite les réemployer, nous évitons l’équivalent de 6000 km en voiture, ou un aller-retour Paris New-York. En 2023, ce sont pas moins de 750 tonnes de CO2 évitées grâce à notre activité, et nous en sommes déjà à 400 tonnes en 2024…

La réglementation joue-t-elle un rôle important dans le développement de la filière du réemploi de cartons ?

AHH : Oui, clairement. Il faut savoir que toutes les entreprises de plus de 500 salariés sont soumises depuis peu à la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), pour renforcer la place des enjeux de développement durable dans leur stratégie et mieux encadrer les rapports extra-financiers. Elles doivent donc rendre compte en fin d’année de tout ce qu’elles ont mis en place concernant la réduction des déchets, le réemploi, la décarbonation…

Nous commençons à bénéficier de cette réglementation et je dirais même que les choses bougent vite !

Qui sont les industriels qui jouent déjà le jeu du réemploi de cartons ?

AHH : Notre premier gros fournisseur a été Longchamp, il y a presque 2 ans. Nous existions à peine à l’époque mais nous avons reçu un mail de la responsable Environnement de la marque. C’était assez incroyable. Cette première collaboration, qui se poursuit aujourd’hui, nous permet d’être plus crédible aux yeux des grands groupes. Nous avons eu de la chance : ça compte dans le parcours d’une start-up.

Nous collectons aussi les cartons des marques Andros et Sojasun.

Quel sera le prochain grand défi de Carton Vert ?

AHH : Après avoir mis en place la 2e vie d’un carton, nous sommes en train de réfléchir à la boucle fermée, comprenant plusieurs rotations. L’idée est d’alléger encore plus notre empreinte carbone avec un cycle de vie du carton encore plus long. Pour cela, nous échangeons avec les fournisseurs de nos fournisseurs pour leur revendre les cartons. Un moyen pour eux de faire des économies et de remplir leurs obligations réglementaires.

Nous sommes les seuls acteurs de cette filière et tout reste encore à faire. Nous avons réemployé 700 tonnes de cartons en 2023 alors que le potentiel est de 3 millions de tonnes en emballages commerciaux industriels, dont au moins 1 million peut être réemployable. Le défi est donc de réussir à aller le plus vite possible pour capter le plus possible de tonnes de cartons. 

Je suis convaincu que dans 10 ans, la norme sera de proposer en option A le réemploi et en option B le recyclage. Mais aujourd’hui, il faut encore bâtir la filière. Telle est notre mission en tant que pionniers.