“Le plastique recyclé prend peu à peu sa place dans le développement des produits”, Frédéric Delaval, SKYTECH.
© Raphaël Demaret
Pour atteindre les objectifs de la communauté européenne visant à réduire considérablement les plastiques sourcés à partir de matières fossiles, des entreprises œuvrent, parfois dans l’ombre. C’est le cas de SKYTECH, PME industrielle française, spécialisée dans la transformation des plastiques issus du recyclage, au service d’acteurs importants du retail et de l’industrie (automobile, petit électroménager, équipements sportifs…), qu’il aide dans la décarbonation du processus de production. Un maillon clé de l’économie circulaire que nous présente Frédéric Delaval, son directeur général.
Comment décrire la solution mise au point par SKYTECH ?
Frédéric Delaval : SKYTECH est une PME industrielle spécialisée dans la transformation des plastiques issus du recyclage, en résines premium, directement employables par les industriels et les plasturgistes dans leur processus de production. Plus concrètement, nous achetons des gisements plastiques (DEEE ou démantèlements divers) à des recycleurs pour les valoriser. SKYTECH a en effet développé une plateforme de tri innovante, solidement brevetée, fruit de nombreuses années de R&D menées avec le soutien de l’ADEME. Une fois chez nous, ces plastiques sont donc nettoyés, retriés et broyés pour former une base dont les différents composants sont séparés en 3 plastiques techniques : ABS, PS, PP, utilisés par de nombreuses industries. Nous les incluons ensuite dans un processus de granulation qui permet de créer un polymère similaire aux polymères vierges issus de l’industrie pétrochimique (indice de pureté >99%).
Frédéric Delaval, directeur général de SKYTECH.
Quels sont les secteurs qui peuvent intégrer ce type de plastique recyclé ?
F. D : L’automobile, le petit électroménager, le luxe, le design de mobiliers, les loisirs… Toutes ces industries utilisent des plastiques techniques et commencent à intégrer dans leur développement des plastiques régénérés issus du recyclage.
En fonction des additifs que l’on ajoute – pour la résistance à la chaleur, aux chocs, à la lumière ou encore à la rayure…- et les différentes couleurs que l’on peut proposer, nous pouvons répondre aux besoins de chaque industrie.
Quels sont les avantages de la solution SKYTECH ?
F. D : Éviter d’utiliser de nouveaux plastiques vierges issus de l’énergie fossile ! Au lieu d’enfouir ou de brûler les plastiques, on les réutilise, pour leur donner une seconde vie. Le plastique réemployé représente 10 fois moins d’émission de gaz à effet de serre.
SKYTECH est également un acteur de la réindustrialisation des territoires puisqu’elle a inauguré sa principale usine de production en Normandie au Val d’Hazey.
Pour quels acteurs du retail travaillez-vous ?
F. D : Nous travaillons depuis plusieurs années avec des acteurs du retail sportif, sur différentes parties d’équipement de vélo par exemple, en apportant la matière recyclée à leur propre fournisseur. La demande est croissance dans ce secteur, à l’image de Decathlon qui a annoncé en mars 2022 un changement stratégique de la marque et des investissements non négligeables dans les matières recyclées. Cette orientation forte, pour un grand acteur du retail sportif, est très encourageante. Et sans doute inspirante pour d’autres acteurs.
Nous travaillons aussi pour plusieurs acteurs tricolores spécialisés dans le petit électroménager. Nous leur fournissons des pièces très spécifiques.
Quel rôle peut jouer SKYTECH auprès de l’industrie du luxe et du design par exemple ?
F. D : Les flacons de parfum, par exemple, qui sont souvent l’assemblage de plusieurs matières, peuvent facilement incorporer des matières recyclées. Ces dernières sont très techniques : on peut travailler leur forme, ajouter de la couleur…mais aussi intégrer une volumétrie et une répétitivité importantes, lorsqu’on a les bons gisements d’approvisionnement.
© Raphaël Demaret
Constatez-vous que les choses bougent et que le plastique recyclé gagne du terrain ?
F. D : Le référentiel reste certes le référentiel pétrochimique traditionnel mais beaucoup d’entreprises essaient d’utiliser davantage de plastiques recyclés pour développer leurs produits, dans une logique d’éco-design, soit en incorporant des pièces entièrement composées de plastiques recyclées, soit en utilisant des mélanges.
Le défi pour SKYTECH est de proposer une qualité égale voire supérieure à certains plastiques vierges et un coût identique ou moindre. Nous devons aussi être en capacité de partager clairement le bilan environnemental de l’usage de ces produits.
Avec ces trois bénéfices bien en tête, les entreprises volontaristes envisagent plus facilement d’appliquer une politique RSE plus engagée.
Pour la majorité, il faut bien l’avouer, c’est la contrainte réglementaire qui motive à intégrer des matières plastiques recyclées dans les produits. Mettre en place un nouveau cycle de qualification représente en effet un coût, ce qui explique que les matières recyclées soient plus facilement envisagées au début d’un projet.
Quoiqu’il en soit, en 2050, les objectifs de la communauté européenne fixent le taux de 35% de plastiques sourcés à partir de matières fossiles. Le reste devra provenir de différentes sources comme le bio-plastique, la réutilisation, le recyclage mécanique… Les industriels doivent donc commencer dès à présent à repenser leur processus de production.