L’éco-emballage est-il l’avenir du packaging ?
À l’heure de l’aggravation du réchauffement climatique, l’emballage est considéré comme un déchet dont il faut se passer, ou à minima qu’il faut transformer. Alors que la façon de conditionner les produits évolue de plus en plus vers le vert, la fabrication vertueuse de ce symbole de la surconsommation va-t-elle devenir la norme ? À quoi peut-on s’attendre ?
Chaque année dans le monde, 158 millions tonnes de plastique sur les 400 millions qui sortent des usines sont utilisées par le secteur de l’emballage, principalement pour fabriquer des contenants à usage unique, boites, sacs, bouteilles, pochettes, en émettant pour ce faire plus de 1800 kilos de CO2 par tonne de produits, selon les chiffres fournis l’ONG Surfrider.
La pollution qui en découle est particulièrement conséquente. Outre les rejets de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) estime qu’entre 80 et 85 % des 14 millions de tonnes de déchets qui sont déversés tous les ans dans les océans proviennent du packaging. Cette énorme masse de résidus, qui a fini par former un « 7ème continent » aquatique d’une superficie équivalente à trois fois celle de la France, a un impact majeur sur la biodiversité marine, sur les populations de poissons, les récifs de coraux, le phytoplancton, le krill, les mollusques, les cétacés, les algues. En 2019, l’étude Microplastics and synthetic particles ingested by deep-sea amphipods in six of the deepest marine ecosystems on Earth, réalisée par des chercheurs de l’université de Newcastle, a révélé que des particules de plastique étaient présentes dans l’organisme de minicrustacés vivant au fond des six fosses océaniques les plus profondes du Pacifique, à plusieurs kilomètres sous la surface de l’eau. Par ailleurs, les écosystèmes terrestres ne sont pas épargnés car les particules de plastique qui sont présentes dans la nature, dans les prairies, dans les bois, dans les champs, vont mettre plusieurs siècles à se désagréger.
La situation n’est pas meilleure pour les autres matériaux utilisés par le secteur. L’aluminium est issu de l’activité minière dont les effets néfastes sur l’environnement sont aujourd’hui documentés avec précision, pollution des cours d’eau et des terres agricoles, désorganisation des sols, production de déchets toxiques en grande quantité… Le verre épuise, partout sur la planète, les stocks de sable, et le risque pénurique est désormais élevé alors que cette ressource met en moyenne plusieurs centaines de milliers d’années pour se régénérer. Considéré comme plus écologique, le carton nécessite de couper environ 17 arbres pour produire une tonne d’emballage, alors même qu’il est devenu crucial de sanctuariser les forêts pour lutter contre le réchauffement climatique.
Le packaging est dans une impasse. Comment faire pour que le conditionnement des produits n’accélère pas le déclin de la biodiversité et l’augmentation des températures ? Quels procédés vertueux pourraient s’imposer à l’ensemble des acteurs ?
Concevoir mieux avec moins.
Pour relever le défi de la sobriété, les entreprises peuvent compter sur l’éco-conception. Selon le Ministère de la transition écologique, ce procédé consiste à « intégrer la protection de l’environnement dès la conception des biens ou services » en réduisant les impacts environnementaux des produits tout au long de leur cycle de vie, depuis l’extraction des matières premières nécessaires à leur fabrication jusqu’au moment ou ils seront obsolètes, usés ou cassés, et donc jetés.
Valentin Fournel, directeur des services d’éco-conception de Citéo, une entreprise spécialisée dans la réduction de l’impact environnemental des emballages, précise comment cette démarche peut être appliquée au packaging : « Tout l’enjeu est de limiter au maximum l’utilisation de ressources naturelles et de faire en sorte qu’on puisse récupérer la plus grande quantité de matière possible en fin de vie. Il faut chercher « le juste emballage ». C’est-à-dire un emballage qui conserve ses fonctions essentielles, évite le gaspillage du produit tout en réduisant au maximum ses impacts sur l’environnement. L’une des premières questions à se poser est celle de la réduction : il faut se demander si tous les éléments constitutifs de l’emballage sont indispensables ; si la réponse est oui, il s’agit d’utiliser la juste quantité de matière, ni trop, ni trop peu.? »
Il faut donc optimiser la taille, le poids et le volume du conditionnement pour éviter le suremballage, tout en s’assurant que l’intégralité des composants utilisés ont un impact minimal sur l’environnement, depuis le contenant principal en passant par les matériaux de calage, jusqu’aux étiquettes et aux feuillards de cerclage. C’est un double défi. Pour atteindre ce résultat, le groupe Raja a développé la méthode dite des « 5R », qui est mise à profit en interne mais que n’importe quel acteur peut s’approprier. Elle consiste à réduire le poids et le volume des envois, à réutiliser les emballages dans la mesure du possible, à remplacer les emballages à fort impact l’environnement par des alternatives plus écoresponsables, à renouveler les emballages nocifs pour l’environnement, et à recycler au maximum les emballages qui peuvent l’être.
Tout indique que l’éco-conception, pour qu’elle puisse pleinement donner des résultats, est indissociable d’un basculement des pratiques vers l’économie circulaire, avec de ce fait l’obligation pour les entreprises de repenser leurs cycles de production.
Priorité au recyclage.
En France, alors qu’il faut favoriser le réemploi pour tendre vers le packaging vert, la loi Agec (Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire), adoptée en 2020, a posé un cadre juridique qui contraint les acteurs de l’emballage, de même que l’ensemble des entreprises tricolores, à abandonner le plastique jetable et à agir contre l’obsolescence programmée, avec un calendrier précis à respecter et des sanctions pour celles qui ne joueraient pas le jeux.
Dans notre pays, ce texte a enclenché une révolution du conditionnement qui nécessite d’innover et de faire bouger les lignes, comme l’explique Annette Freidinger, consultante pour le salon de l’emballage All4Pack : « Aujourd’hui, l’emballage est montré du doigt. Il faut réaliser de l’éco-conception mais aussi tendre vers le zéro déchet, c’est-à-dire l’emballage que l’on n’aura pas généré parce que l’on aura un matériau 100 % recyclable, en utilisant également de plus en plus de matériaux d’origine naturelle et renouvelable »
Ainsi, en 2021, le géant français du e-commerce CDiscount a été le premier à proposer à ses clients de recevoir leurs commandes dans un emballage souple en polypropylène, qui est réutilisable au moins 100 fois avant qu’il ne commence à se détériorer, ce qui permet de supprimer 83% des émissions de CO2 liées à son usage. Un cran plus loin, Lactel a mis au point la première bouteille de lait en PEHD (Polyéthylène haute densité) fabriquée à partir de déchets plastiques revalorisés grâce à une technologie de « recyclage avancé », qui est compatible avec les normes sanitaires et alimentaires en vigueur.
Bien évidemment, cet enjeu dépasse de loin les frontières de l’hexagone. En Angleterre, le groupe DS Smith a collaboré avec la Fondation Ellen MacArthur pour mettre au point des « principes de conception circulaire » facilement applicables et créer, grâce à une équipe de 700 designers, des alternatives de packaging durables et réutilisables, qui « permettent d’éliminer les déchets et la pollution, de prolonger la durée d’utilisation des produits et de régénérer les systèmes naturels. »
Aux Etats-Unis, Coca-Cola, régulièrement pointée du doigt pour le bilan carbone très élevé de ses activités, s’est engagé, dans le cadre de son « Plan d’action pour des emballages moins nombreux », à collecter et à recycler d’ici 2030 chaque canette ou bouteille que la firme vendra dans le monde.
Ces initiatives vont incontestablement dans la bonne direction, mais en parallèle du réemploi, il y a d’autres leviers à actionner.
Innovations vertes.
Dernier étage de la fusée, les biomatériaux – fibres végétales, résiduts de l’activité agricole, chutes de bois – permettent de concevoir des emballages biodégradables qui vont moins polluer durant leur fabrication et qui vont se décomposer naturellement lors de leur fin de vie, comme le ferait n’importe quelle matière organique.
Active depuis 2008, l’entreprise tricolore Vegeplast, spécialiste des solutions de remplacement aux plastiques polluants, a mis au point, après quinze ans de recherche, une barquette alimentaire conçue à partir de maïs, de blé, de colza et de tournesol qui se dégrade complètement au bout de six mois sans impacter l’environnement. Mieux encore, ce packaging écologique peut également avoir une deuxième vie, comme l’expliquait Vincent Pluquet, fondateur et PDG de Vegeplast, dans une interview accordée à Europe 1 : « Pour le compostage industriel, les emballages se transforment en compost de qualité en six semaines. Ça revient aux agriculteurs, qui peuvent mettre moins d’engrais chimiques et arroser moins. »
Autre exemple pertinent, le groupe Sphère, leader européen des sacs et des films à usage alimentaire, utilise à la place du plastique des matériaux biosourcés et compostables, des biodéchets, du polyéthylène végétal fabriqué à partir d’éthanol issu de la canne à sucre, et même des matériaux biodégradables dans l’eau et non toxiques pour les écosystèmes aquatiques présents dans les mers, les lacs et les rivières, et cela avec les mêmes niveaux de qualité et de résistance que les emballages classiques.
Alors que la crise climatique ne cesse de gagner en intensité, et qu’elle s’aggravera dans les prochaines années, le packaging écologique est la clé de transformation du conditionnement, et plus largement du secteur tout entier. L’emballage de demain sera éco-conçu, recyclable, biodégradable, ou ne sera pas.