Café Joyeux, des cafés-restaurants sociaux et solidaires.
L’équipe du Café Joyeux Champs Élysées © Café Joyeux
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ettre en lumière le handicap et redonner une place aux personnes handicapées dans la vie sociale et économique du pays, c’est le pari qu’a fait Café Joyeux en ouvrant 9 établissements en France depuis 2017. Ces entreprises sociales ordinaires emploient des personnes handicapées, sans pour autant négliger la rentabilité nécessaire au développement et à la multiplication d’un tel concept.
Nous sommes partis à leur découverte à l’occasion de la Semaine Européenne Pour L’Emploi des Personnes Handicapées.
« Servi avec le cœur », c’est la devise de Café Joyeux, une chaîne de cafés-restaurants qui a fait le choix d’employer des personnes majoritairement atteintes de trisomie 21 ou de troubles cognitifs. Pour autant, pas de place ici à l’entreprise adaptée. Café Joyeux, ce sont des entreprises sociales ordinaires qui souhaitent remettre les personnes handicapées au centre de la société et de l’économie. « Nous sommes intimement convaincus que toutes les personnes handicapées peuvent participer à la vie économique et sociale du pays et créer de la valeur. Notre but est de changer le regard de la société et des gens sur le handicap mais aussi de montrer qu’il peut y avoir un vrai modèle possible de rentabilité économique pour de tels établissements » explique Laure Kepes, directrice de la collecte de fonds d’Émeraude Solidaire, actionnaire unique de Café Joyeux. L’ouverture de chaque café-restaurant repose avant tout sur la générosité d’entreprises locales et nationales et de particuliers qui font des dons au fonds de dotation Émeraude Solidaire, lequel s’occupe ensuite d’en transférer une partie au capital de la holding qui apporte les fonds propres nécessaires à l’ouverture des cafés.
Le Café Joyeux de Lyon a ouvert ses portes en janvier 2022 © Café Joyeux
Une formation sur mesure pour chaque équipier.
A l’origine de Café Joyeux, un couple d’entrepreneurs, Lydwine et Yann Bucaille Lanrezac, qui ont alors l’intuition qu’il faut créer du travail pour les personnes handicapées en milieu ordinaire. L’aventure démarre avec l’inauguration d’un premier Café Joyeux en 2017 à Rennes. Et rapidement, la formule marche : « on forme nos équipiers à un vrai métier, on leur dit : on a besoin de toi, tu es capable. Le travail les émancipe, ils se sentent utiles et ça leur donne énormément confiance en eux pour progresser… » précise Laure Kepes. Depuis, 9 cafés ont ouvert leurs portes en France et un à Lisbonne au Portugal, employant au total 118 équipiers.
Bousculés comme tous les commerces par la pandémie mondiale, ces établissements n’en ont pour autant pas perdu leur énergie et continuent leur croissance, bien décidés à prouver que handicap et rentabilité peuvent rimer ensemble. Et pour cela, Café Joyeux dispose de plusieurs atouts : tout d’abord une formation totalement sur mesure pour chaque équipier. « Tous nos équipiers sont employés en CDI et formés, pour ceux qui le souhaitent, afin d’obtenir un diplôme d’agent de la restauration reconnu par l’État. Ce sont souvent des personnes qui n’ont jamais travaillé en milieu ordinaire. Pour les former, nous avons donc créé en août 2021 un CFA (centre de formation) d’apprentis Joyeux. », explique la directrice de la collecte de fonds. L’autre parti-pris de l’enseigne est de miser sur une nourriture faite maison et cuisinée à partir de produits de saison, servie dans un lieu à l’architecture intérieure soignée reconnaissable à ses couleurs noires et jaunes. « Dans nos valeurs, on retrouve ‘le beau, le bon, le vrai’, on attache énormément d’importance à la qualité, à être beaux cafés avec des bons produits » assure Laure Kepes.
La promesse de chaque café-restaurant ouvert est d’être rentable à la 3e année d’exercice, « ce qui n’est pas simple, car on a entre 7 et 10 équipiers par café et trois encadrants. Nous avons une masse salariale importante et nos équipiers sont quasiment tous à temps partiel (en moyenne des contrats de 20 à 25 heures) en raison de leur handicap et de leur fatigabilité, mais on voit que ça marche et que c’est possible » poursuit Laure Kepes.
Le Café Joyeux de Tours © Café Joyeux
Un management adapté et à l’écoute.
Chez Café Joyeux, tous les employés sont polyvalents mais la polyvalence s’acquiert en fonction de l’appétence et des compétences de chacun. « Les équipiers du tout premier Café Joyeux ouvert il y a 5 ans sont tous là-bas depuis l’origine. Ils sont aujourd’hui extrêmement autonomes, ce qui n’était pas le cas le premier jour de leur CDI, car on met en place un management très adapté qui est une alliance entre exigence professionnelle et beaucoup de patience, d’écoute et de bienveillance » détaille la directrice de la collecte de fonds. « On peut dire qu’on est dans de la slow food en quelque sorte, ils ont le droit à l’erreur, on laisse la place au temps pour progresser et se former et la place à la rencontre avec le client. ».
Côté design intérieur des établissements, les Cafés Joyeux misent sur la transparence avec des cuisines ouvertes sur la salle. Peu d’adaptations particulières sont faites au handicap si ce n’est des fours électroniques et pré-programmés pour faciliter le travail des équipiers et des restaurants de plein pied car « en termes de motricité fine, on sait que ce n’est pas évident de monter des escaliers avec un plateau, donc on a adapté l’architecture de nos restaurants ».
Hugues est équipier de service © Café Joyeux
De nouveaux axes pour développer et faire vivre le modèle.
Café Joyeux a développé en 2018 une marque de café de spécialité, vendue sur place et online sur son site internet. Les bénéfices engrangés servent à soutenir l’activité générale de l’enseigne. En parallèle, de nouvelles perspectives de développement ont été recherchées par les fondateurs. Un Café Joyeux a ainsi récemment ouvert ses portes au siège du groupe d’assurances Klesia à Paris. Les employés de la société en question peuvent venir y prendre petit déjeuner, café, ou encore déjeuner. L’occasion pour la marque d’imaginer et réfléchir à un autre modèle économique de développement possible, tout en faisant entrer le handicap dans toutes les sphères de la société.