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À quoi ressemblera la supply chain de demain ?

Toujours plus digitalisée, innovante, agile et résiliente, la supply chain est en pleine réinvention pour pouvoir répondre aux défis de notre époque et faire face à la multiplication des crises, qu’elles soient climatiques, sanitaires ou géopolitiques. À quelles évolutions peut-on s’attendre ?

 

En 2020, la pandémie de Covid 19 avait révélé la très grande vulnérabilité d’une organisation logistique mondialisée, distribuée sur plusieurs continents, constituée de circuits étirés sur des dizaines de milliers de kilomètres et d’une myriade de sous traitants répartis d’un bout à l’autre de la planète. Les flux de marchandises avaient été fortement perturbés, lorsqu’ils n’étaient pas tout simplement mis à l’arrêt, entravant  l’acheminement des approvisionnements nécessaires au fonctionnement de nombreuses entreprises, avec pour conséquence des pertes financières colossales, estimées à plusieurs centaines de milliards de dollars. 

 

Pour autant, la crise sanitaire n’aura été qu’une répétition générale avant un choc d’une ampleur bien plus importante. D’ici la fin de la décennie, l’augmentation des températures et la multiplication des catastrophes naturelles vont entraîner des difficultés logistiques inédites, contrariant la circulation du fret, fragilisant les capacités de transport et de production, provoquant des ruptures d’approvisionnement de plus en plus fréquentes. Aucune entreprise n’est correctement préparée à cela. A cela, il faut ajouter l’intensification des risques géopolitiques, notamment avec la guerre en Ukraine et la situation au proche-orient, et une économie mondiale fortement dégradée par l’inflation et l’endettement, dont l’état de santé a peu de chances de s’améliorer dans les années qui viennent.  

 

Dans un contexte aussi défavorable aux entreprises, il est devenu nécessaire de transformer les circuits d’approvisionnement pour les rendre résilients, durables et capables d’opérer dans un environnement de plus en plus imprévisible. De fait, quel nouveau modèle pourrait émerger ?

 

Accélération numérique.

 

Pour adresser ces enjeux, la refonte de la supply chain est portée par un très fort développement des dispositifs digitaux permettant d’optimiser les processus logistiques. A ce titre, la blockchain, en tant que registre dématérialisé et inaltérable, donne la possibilité aux entreprises de reprendre le contrôle sur leurs chaînes d’approvisionnement en améliorant la traçabilité des produits et la transparence des circuits de fournisseurs. Technologie encore émergente, elle est déjà utilisée par l’industrie pharmaceutique pour identifier les médicaments contrefaits, qui représentent 30% des produits pharmaceutiques vendus dans le monde, et permettre aux professionnels de santé d’authentifier la provenance de leurs prescriptions. Elle est également utilisée par les constructeurs automobiles, et notamment par Renault, pour certifier la conformité réglementaire des véhicules en retraçant le façonnage et l’assemblage de chaque pièce. 

 

En complément, l’IA possède également de nombreux atouts pour améliorer le fonctionnement de la supply chain.  Les algorithmes peuvent anticiper la demande avec précision, gérer les stocks au plus juste et sans gaspillage, optimiser les distances d’expédition, et faire ainsi baisser les coûts opérationnels. En outre, leur mise à profit permet d’anticiper les risques de perturbation et de renforcer la collaboration entre les acteurs de la logistique. A ce titre, le groupe tricolore Scalian a inventé un système intelligent de supervision qui estime le risque de défaillance de chaque maillon d’une supply chain,  en évaluant l’impact que pourraient avoir les conditions météorologiques, les changements réglementaires, les tensions géopolitiques, ou encore les conflits sociaux sur les fournisseurs et les sous-traitants. Ce type d’outil performatif est également développé par IBM avec le « IBM Sterling Supply Chain Intelligence Suite » qui offre une visibilité multi-entreprise en temps réel et qui permet de réduire de « sept jours à 2,2 secondes le temps nécessaire à la traçabilité des produits. »

 

Grâce au digital, les acteurs de la logistique peuvent également mettre en oeuvre le protocole S&OP (Sales and operation planning, ou planification des ventes et des opérations), un processus d’élaboration des plans tactiques qui ) qui, selon François Durieux, partner du cabinet de conseil Argon & Co,  « réunit tous les plans de l’entreprise (ventes, marketing, développement, fabrication, approvisionnement et finance) en un seul plan intégré, transversal et partagé par toutes les parties prenantes. »

 

Enfin, pour apporter une couche supplémentaire de suivi et de collaboration, l’internet des objets et les technologies de de géolocalisation, notamment par radio-identification grâce aux puces RFID (Radio Frequency Identification), garantissent un traçage renforcé des flux logistiques de bout en bout, dynamisent l’échange d’informations entre les parties prenantes, et peuvent informer les entreprises en temps réel sur les retards de livraison. 

 

Autre volet de cette digitalisation à marche forcée de la logistique, l’impression 3D est un levier de résilience et de souveraineté pour la supply chain. Lors d’une rupture d’approvisionnement, la fabrication additive permet de façonner sur mesure tout type de pièce ou de produit en très peu de temps pour combler un défaut de stocks. En ne nécessitant pour fonctionner que des matériaux de base facilement disponibles et à moindre coût, elle rend l’organisation logistique plus flexible et plus autonome, en réduisant la dépendance des entreprises aux fournisseurs extérieurs. 

 

Pour les logisticiens, toutes ces technologies représentent un atout précieux pour faire face à un contexte volatile où le risque est devenu omniprésent, mais aussi pour s’adapter aux transformations en cours.

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Nouveau paradigme vert.

 

Selon l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, le secteur logistique est responsable 8 % des émissions de CO2 au niveau mondial, c’est à dire davantage que la production de produits chimiques et de ciment réunis. De fait, rendre la supply chain plus résiliente nécessite d’accélérer la décarbonation de ses processus. Pour y parvenir, il est nécessaire de travailler sur chaque étape de la logistique, les approvisionnements, le stockage et la distribution, avec parfois des adaptations simples à réaliser. Par exemple, l’entreprise Savoye, dont la mission est de créer une nouvelle génération de solutions pour redéfinir la Supply Chain, a diminué « la hauteur des colis à la taille de leur contenu pour réduire l’empreinte carbone de leur transport » et a mis en place « des équipements conçus pour optimiser la consommation énergétique dans les entrepôts de nos clients » selon Ester Cadau, Global HR & Organisation Director de Savoye. 

 

Autre exemple de ce virage vertueux avec le groupe H&M qui a recalibré la base de données de ses fournisseurs en fonction du critère de durabilité et qui compte éco-sourcer l’intégralité de ses produits d’ici 2030.  De son côté, L’Oréal développe depuis plusieurs années la livraison verte en investissant dans une flotte de véhicules décarbonés et en supprimant le plastique à usage unique dans les centrales de distribution du groupe au niveau mondial. Autant d’initiatives qui réduisent mécaniquement les émissions et que chaque entreprise peut prendre à son niveau. 

 

Cette inflexion vers un moindre impact est par ailleurs encouragée par les nouvelles réglementations. La Climat et Résilience, adoptée en 2021, prévoit la généralisation d’un éco-score pour chaque produit commercialisé en France, et concerne de ce fait les acteurs de la chaîne logistique.

 

À l’autre bout du spectre, les processus de réindustrialisation jouent également un rôle important dans la réorganisation responsable de la supply chain car la réimplantation d’un nombre croissant de sites de production au coeur des territoires nécessite un recalibrage local des circuits d’approvisionnement, avec la mise en oeuvre d’infrastructures spécifiques et d’intervenants dédiés, qui ont un effet bénéfique sur les émissions. Ce n’est pas une spécificité française. En 2021, l’ étude « Reshoring Could Drive $443 Billion in U.S. Economic Value Over Next 12 Months » réalisée par le cabinet d’analyse de données Thomas, estimait que 83 % des industriels américains pourraient être amenés à relocaliser le choix de leurs fournisseurs d’ici 2030, aussi bien pour des raisons de baisse des coûts que de réduction de leur empreinte carbone. Selon Jean-François Rey, PMO de l’association France Supply Chain, l’objectif « n’est pas juste de réduire les coûts, mais d’aller vers une transformation verte de l’entreprise » car « le problème à la base est que les bassins de production et de consommation sont très éloignés, ce qui oblige à beaucoup transporter ». 

 

Preuve que la relocalisation de la logistique est en marche, et devrait impliquer un nombre croissant d’entreprises dans les prochaines années, le rapport « The State Of Manufacturing 2021″, rédigé par les experts de la firme Oden technologies il y a deux ans, pointait déjà que 45 % des fabricants au niveau mondial envisageaient de relocaliser ou de délocaliser leur activité à proximité de leurs sites de production.

 

Ces différentes évolutions pointent dans une même direction, celle d’une supply chain intelligente, prédictive, collaborative, transparente, faiblement émettrice en CO2 et en partie relocalisée. Un nouveau modèle encore en gestation, mais qui est parfaitement adapté au XXIème siècle.