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À quoi ressemblera l’ordinateur de demain ?

Quantique, hyper-puissant, économe en énergie… L’ordinateur de demain promet des avancées technologiques sans précédent. A quoi peut-on s’attendre ?

 

Selon la loi de Moore, énoncée en 1965 par Gordon Moore, cofondateur du géant américain Intel, puis mise à jour en 1975, la puissance de calcul des ordinateurs est appelée à doubler tous les deux ans dans un cycle sans fin, grâce aux améliorations constantes apportées aux micro-processeurs. 

 

Décennie après décennie, cette prédiction s’est révélée parfaitement exacte. Commercialisé en 1973 par l’entreprise Digital Equipement Corporation, le PDP 8, qui est considéré comme le premier ordinateur personnel à destination du grand public, avait une mémoire de 4 096 mots de 12 bits et fonctionnait à 1 MHz, ce qui lui permettait de réaliser 100 000 opérations par seconde. Moins de dix ans plus tard, en 1981, le IBM Personal Computer modèle 5150 était équipé d’un processeur Intel 8088 disposant de 29 000 transistors qui tournait à 4,77 MHz pour une mémoire vive de 16 ko, avec la possibilité d’effectuer 740 000 opérations par seconde. Un progrès spectaculaire pour l’époque. 

 

En 1993, le processeur Intel Pentium battait tous les records avec 31 millions de transistors et une capacité de calcul de plusieurs millions d’opérations par seconde. Au début des années 2000, l’apparition des processeurs multi-coeurs, qui contenaient plusieurs puces capables chacune de commander différents programmes en même temps, marquait un bond en avant prodigieux en termes de puissance, qui n’allait pas tarder à être dépassé. En 2020, Apple annonçait que tous ses appareils allaient être équipés de la puce M1, qui condense 16 milliards de transistors et qui possède un moteur neuronal multi-coeurs capable de gérer 11 000 milliards d’opérations par seconde, c’est-à-dire 150 millions de fois plus que la prouesse d’IBM en 1981. 

 

De fait, en un demi-siècle, depuis le PDP 8, tout est allé très vite, et même plus vite que ce que prévoyait Gordon Moore. La puissance des processeurs – qui sont les cerveaux des ordinateurs et qui, de ce fait, déterminent ce qu’un terminal est en mesure de faire – a littéralement explosé, ce qui a permis de démultiplier les applications et les fonctionnalités,  d’augmenter considérablement les capacités de stockage et de mémoire, de rendre la navigation beaucoup plus véloce et intuitive, de développer des architectures numériques complexes, et d’intégrer l’IA dans un nombre toujours plus élevé de processus bureautiques, tout en réduisant en permanence le poids et la taille des équipements. 

 

Tout indique cependant que ce n’est qu’un début, et que la formidable accélération que l’informatique a connue jusqu’à maintenant va se poursuivre encore et encore. 

Dès lors, que pourrons-nous faire demain avec un ordinateur ? Comment vont évoluer nos terminaux dans un futur proche ? A quoi ressembleront-ils ? 

 

Vers l’hyper-puissance 

 

Fin 2022, à l’occasion de l’International Electron Devices Meeting qui se tient tous les ans à San Francisco, Intel a déclaré vouloir atteindre mille milliards de transistors sur une puce d’ici 2030, grâce à un matériau révolutionnaire extra fin de seulement 3 microns d’épaisseur, ce qui ouvre la porte à un avenir informatique vertigineux, tout à fait inédit en termes de performance, avec des appareils nanotechnologiques capables d’atteindre le quadrillion d’opérations à la seconde, soit mille milliards de milliards. Des chiffres qui donnent le tournis. Concrètement, cela veut dire que l’ordinateur de demain pourra effectuer tout type de tâche de façon nettement plus véloce, traiter des fichiers beaucoup plus lourds sans la moindre micro-seconde d’attente, avec une navigation entièrement intuitive. Pour chaque terminal, ce sera l’ère de la fulgurance et de l’immédiateté. 

 

A cela, il faut ajouter la promesse « quantique ». L’informatique classique, telle que nous la connaissons depuis les premiers ordinateurs, fonctionne grâce à des « bits », des unités d’information qui opèrent de façon binaire en stockant soit des zéros, soit des uns. L’informatique quantique repose quant à elle sur des « qubits » qui « superposent » à la fois des zéros et des uns et peuvent ainsi réaliser un grand nombre d’opérations en même temps. C’est une approche tout à fait différente. 

 

Pour dire les choses autrement, là où les ordinateurs classiques résolvent un problème en suivant un chemin unique pour aboutir à un résultat unique, les ordinateurs quantiques peuvent explorer une multitude de chemins simultanément, ce qui les rend beaucoup plus rapides. Vraiment beaucoup plus rapides. En 2019, Sycamore, l’ordinateur quantique de Google, a effectué un calcul mathématique extrêmement complexe en 200 secondes alors que Summit, le supercalculateur d’IBM, a mis deux jours et demie pour y parvenir, et qu’un ordinateur classique aurait fait cette opération en 10 000 ans.

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Nouvelles applications 

 

Une telle puissance de calcul va faire franchir un cap à l’intelligence artificielle, actuellement limitée par les capacités des ordinateurs classiques, tout en permettant de construire et d’exploiter des bases de données bien plus importantes. Les domaines d’application sont très nombreux et concernent aussi bien les transports, l’énergie, la médecine que le retail… Plus grande fiabilité des modélisations climatiques, optimisation des flottes de véhicules autonomes, meilleure prédiction des risques financiers, meilleure gestion des stocks, invention de batteries plus efficaces en densité énergétique et en vitesse de charge… « La technologie quantique permet notamment la création de smart grids, autrement dit de réseaux électriques intelligents, cruciaux pour l’essor des énergies vertes qui sont par nature intermittentes. Avec l’urgence climatique, c’est aussi l’opportunité de réaliser des calculs plus efficaces pour comprendre ce phénomène, avec une dépense énergétique moindre. » explique Alain Aspect, directeur de recherche au CNRS qui est considéré comme le meilleur spécialiste français de ce sujet. 

 

Ce formidable gain de puissance et de rapidité va également permettre d’amplifier et améliorer les expériences liées au gaming, aux mondes virtuels, à la réalité augmentée. 

Pour autant, ce ne sont  pas les seuls atouts des qubits pour révolutionner l’informatique. 

 

Ultra sécurisation quantique

 

Selon le cabinet IDC (International Data Corporation), le volume de données créées et utilisées à l’échelle mondiale pourrait atteindre 2 142 zettaoctets en 2035, ce qui représente 2142 milliards de téraoctets, contre 50 actuellement. Dans les années qui viennent, la puissance phénoménale acquise par les ordinateurs permettra de gérer des volumes gigantesques d’informations dans le cloud, à des niveaux jamais atteints, mais nécessitera en parallèle des technologies de protection toujours plus efficaces. A ce titre, l’ordinateur de demain pourrait bénéficier d’un système de sécurisation révolutionnaire. 

 

En 2021,  une équipe de recherche de l’université de Glasgow a réussi à stocker des données dans des hologrammes quantiques à l’aide de photons intriqués qui se déplacent en effectuant des cycles de rotations, ce qui permet un cryptage impossible à déjouer. Pour pouvoir hacker un système informatique bénéficiant de cette technologie, il faut en effet connaître les tours de lumière spécifiques utilisés pour coder les données, qui comportent chacun des millions de possibilités.

 

Demain, de façon plus générale, la communication d’un terminal à un autre pourrait être opérée en utilisant des phénomènes de mécanique quantique tels que la superposition et l’intrication, qui permettront la transmission de messages à l’aide de photons inobservables par un tiers jusqu’à leur arrivée au destinataire,  avec une sécurité parfaite des informations. Cette méthode, appelée « Quantum Secure Direct Communication (QSDC) », offre de biens meilleures garanties que la Blockchain pour rendre un système inviolable, et constitue une réponse particulièrement efficace au cyber risque. Elle a pour autre particularité de renforcer la confidentialité des communications sur internet. Florian Carrière, senior manager technologies digitales chez Wavestone précise : « Une propriété fondamentale des particules quantiques est qu’il est impossible de les « mesurer » sans les perturber. Dit autrement, si un acteur malveillant tente d’écouter discrètement une communication, cela sera immanquablement détecté. »

 

Cette révolution arrive à grand pas. En 2021, la start-up chinoise SpinQ  a commercialisé Gemini, le premier ordinateur quantique grand public d’une puissance de 2 qubits et d’un prix inférieur à 5000 euros. De son côté, IBM a présenté Condor, le premier ordinateur quantique universel au monde avec 1121 qubits, tandis qu’ Atom Computing a annoncé la sortie d’un modèle doté de 1 180 qubits en 2024.  Selon l’étude « Quantum Computing Is Becoming Business Ready », réalisée en 2023 par le Boston Consulting Group, ce marché pourrait générer entre 450 et 850 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an au niveau mondial d’ici 2040. 

 

Informatique bas carbone

 

A l’opposé de ces évolutions, un autre scénario prend également forme. A mesure que le réchauffement climatique gagnera en intensité et que les métaux nécessaires à la fabrication des terminaux seront moins abondants et plus coûteux à exploiter, l’ordinateur pourrait prendre le chemin de la sobriété plutôt que celui de l’hyper-puissance. A ce titre, le « Green IT » monte en puissance depuis plusieurs années pour proposer des alternatives moins polluantes. De nombreuses startups ont pris le parti de relever ce défi, à l’instar de Fairphone et de son smartphone entièrement réparable pour lutter contre l’obsolescence programmée ou d’Abacus et de son ordinateur portable composé de plastique recyclé et à faible consommation d’électricité,  qui constituent désormais un écosystème mondial particulièrement innovant. Entre économie circulaire et éco-conception, ce virage vers la décarbonation entend repenser entièrement les équipements et les usages. Là encore, les technologies quantiques ont toute leur place pour pousser le curseur un cran plus loin car, à opération égale, les qubits nécessiteront beaucoup moins d’énergie que les bits. 

 

Entre low tech et high tech, entre écologie et performance, l’informatique est à la croisée des chemins. D’un côté, les révolutions nanotechnologiques et quantiques promettent des terminaux bien plus puissants, bien plus précis, plus respectueux de l’environnement et constituent un puissant levier pour accélérer la révolution de l’IA, alors que les algorithmes prennent toujours plus de place dans la société. De l’autre, l’ordinateur de demain devra également préserver les ressources minérales et abiotiques qui sont indispensables à sa fabrication et à son fonctionnement, et devra miser pour cela sur le recyclage. Cette ligne de crête promet une réinvention permanente des process et des technologies dans les années qui viennent.