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[Dossier] New Mobility : À quoi ressemblera l’automobile de demain ?

Plus digitalisée, plus servicielle, plus partagée, plus respectueuse de l’environnement, l’automobile de demain est en train de prendre forme aujourd’hui. Au mi-temps du 21ème siècle, en quoi sera-t-elle différente des véhicules actuels ?

 

L’automobile a toujours été en perpétuelle mutation, évoluant sans cesse en fonction des progrès technologiques, gagnant au fil des décennies en performance, en sécurité, en confort, devenant toujours plus sûre, plus rapide, plus fiable, et aujourd’hui plus sobre.  Depuis plusieurs années, la crise climatique oblige les constructeurs à revoir leur copie et à produire des véhicules dont l’impact sur l’environnement est le plus faible possible. Chose impensable au 20ème siècle, l’électrification des motorisations est devenue le creuset des nouvelles innovations et le sésame indispensable pour inventer une mobilité propre. 

 

En parallèle de ce virage responsable, le numérique est en train de transformer radicalement la façon de conduire. Bardée de capteurs, carburant aux données, l’automobile devient de plus en plus connectée et de plus en plus intelligente, capable de se garer toute seule ou de programmer le meilleur itinéraire. 

 

Au croisement de ces deux tendances, comment va-t-elle évoluer dans les prochaines décennies ? Quelles seront ses principales caractéristiques au mi-temps du 21ème siècle ? 

 

Matériaux durables.

 

En 2050, dans un contexte climatique particulièrement dégradé, les constructeurs devront agir sur l’ensemble du cycle de vie d’un véhicule, au delà des émissions de CO2 produites lorsque celui-ci roule, car les phases d’usinage et de fin de vie sont également particulièrement polluantes et génératrices de déchets.  La fabrication d’une seule voiture rejette dans l’atmosphère plusieurs tonnes de CO2, tandis que le métal et le plastique qui la composent polluent les sols et les nappes phréatiques lorsqu’elle finit dans une décharge. A cela il faut ajouter que le déclin progressif des ressources minières, dont le coût d’extraction aura augmenté à mesure que les réserves exploitables auront diminué, favorisera l’emploi de nouveaux matériaux et l’adoption de nouveaux procédés. Pour corriger le tir, la chaîne de valeur de l’automobile devra avoir intégré les principes de l’économie circulaire. 

 

Ce changement de paradigme est d’ores et déjà observable.  En 2022, Renault a annoncé que la structure du concept-car Renault Scenic Vision était, pour la première fois, constituée à 70% de matériaux recyclés et recyclables, tandis que l’habitacle l’était à 100%. Volkswagen a poussé le curseur un cran plus loin en annonçant que 95% des organes constituant ses nouveaux modèles pouvaient être revalorisés. 

 

Autre inflexion notable, l’utilisation de matériaux alternatifs aux métaux pourrait réduire encore davantage l’impact environnemental des véhicules. En 2014, aux Pays-Bas, une équipe de recherche de l’université de technologie d’Eindhoven a construit la première voiture biodégradable au monde, dont la structure et l’habitacle sont faits à partir d’un composé biologique dérivé du lin et d’un plastique non chimique mis au point avec de la betterave à sucre, et ce avec des niveaux de sécurité et de performance équivalents à un véhicule classique. 

 

Plus récemment, le cabinet d’architecture Vincent Callebaut a collaboré avec Renault pour imaginer la Timber eCAR, une voiture dont la carrosserie et l’aménagement intérieur ont été conçus en mélangeant des fibres végétales naturelles issues d’agrodéchets, du bois lamellé-croisé, du bambou d’ingénierie et de l’aluminium recyclé, ce qui en fait un véhicule très facilement revalorisable et particulièrement léger. Selon l’architecte à l’origine de cette innovation, c’est un atout supplémentaire pour faire baisser le volume de CO2 rejeté dans l’atmosphère : « Au-delà du type d’énergie utilisée, le poids du véhicule est l’une des principales caractéristiques affectant la quantité d’émissions. Il est donc impératif de se tourner vers le poids des matériaux utilisés pour améliorer cette caractéristique des véhicules. »

 

Ce new deal de la fabrication des automobiles ira de pair avec la généralisation des motorisations non émettrices de CO2. L’année dernière, pour la première fois, c’est une voiture 100% électrique, en l’occurrence la Tesla Model Y, qui a pris place sur la première marche du podium des meilleures ventes de véhicules neufs dans le monde.  En France, 25% des voitures qui sont vendues par les concessionnaires ne sont plus équipées de moteurs thermiques. L’ordre établi qui prévalait jusqu’ici, caractérisé par l’ hégémonie absolue du pétrole dans l’industrie automobile, touche à sa fin. Demain, au mi-temps du 21ème siècle, avec la pression toujours plus forte exercée par le réchauffement climatique sur les consommateurs, et avec le concours de réglementations environnementales toujours plus contraignantes,  les véhicules  électriques ou fonctionnant à l’hydrogène seront devenus la norme. 

 

Ce twist vers les énergies vertes aura entièrement recalibré les infrastructures routières, multipliant les stations de recharge le long des axes de circulation, maillant les territoires de bornes électriques dernière génération, faisant naître un écosystème de transport entièrement décarboné et plus durable. L’automobile de demain sera nécessairement propre. 

 

Révolution numérique.

 

Autre changement majeur, la connectivité des véhicules sera devenue un standard. A mesure que le la digitalisation aura progressé dans chaque secteur d’activité et chaque pan de la société, allant bien au-delà de ce que nous connaissons actuellement,  l’automobile aura suivi le même chemin. Déjà aujourd’hui, la plupart des voitures neuves vendues aux États-Unis sont équipées d’un accès internet intégré. Demain, c’est une architecture numérique tout à fait nouvelle qui aura fait son apparition.

 

L’accroissement du volume de données en circulation, qui pourrait atteindre 1000 milliards de téraoctets par an dès la fin de la décennie selon le rapport Global Industry Vision : Communications Network 2030 de Huawei, et le développement de solutions IoT plus performantes, auront généralisé les dispositifs de communication de véhicule à véhicule (v2v), permettant aux automobiles d’échanger des informations entre elles sur l’état des routes, les itinéraires à emprunter, la présence éventuelle de verglas….  

Augmentées par des algorithmes qui auront gagné en précision, les technologies de vision artificielle en 3D détecteront les obstacles de façon proactive et évalueront le danger potentiel, pour ensuite avertir le conducteur ainsi que les autres automobilistes sur la route.  D’ores et déjà, Continental développe des innovations qui vont dans ce sens. L’équipementier allemand a mis au point un algorithme de traitement intelligent des images qui modélise un véhicule en mouvement et l’intègre à son environnement pour fournir une vue à 360° des conditions de circulation. Ce système permet notamment au véhicule de déclencher automatiquement un freinage d’urgence pour éviter une collision avec un autre conducteur. Plus fort encore, l’application Digital Shield, opérable depuis un smartphone,  permet d’identifier et de localiser les piétons et les cyclistes pour sécuriser encore davantage les trajets et réduire toujours plus les risques d’accidents.

 

Dans les décennies qui viennent, cette émergence du véhicule intelligent, capable de résoudre par lui-même un problème, aura favorisé l’apparition de systèmes de conduite entièrement autonomes, qui seront en mesure de traiter une masse toujours plus importante et toujours plus diversifiée d’informations. Il manque cependant encore un élément pour avoir une vision précise de l’automobile de demain. 

 

Automobile as a service.

 

Selon les prévisions du cabinet d’analyses Statista, il devrait y avoir 36 millions d’utilisateurs de solutions d’autopartage dans le monde en 2025, alors qu’ils n’étaient que 7 millions en 2015. En France, selon le dernier baromètre de l’Association des Acteurs de l’Autopartage, ce sont 460 000 nouveaux usagers qui ont adopté cette pratique en 2023, ce qui représente une augmentation de 43 % par rapport à 2022.

 

Cette montée en puissance très concrète de la co-mobilité est appelée à redessiner entièrement les habitudes de transport.  Alors qu’une automobile reste inutilisée 90% du temps, et que la collectivisation des véhicules est désormais considérée un levier particulièrement efficace pour faire baisser les émissions de CO2, la façon dont on circule va radicalement changer.« L’automobile de demain sera un service de déplacement urbain, composé de petits véhicules automatiques que l’on pourra appeler depuis son téléphone portable ou son assistant personnel lorsqu’on en aura besoin et qui se gareront tout seuls. » anticipe Michel Parent, chercheur à l’Inria (Institut national de recherche en informatique et automatique). 

 

De fait, dans les prochaines années, la digitalisation accrue des déplacements favorisera les trajets partagés. La communication de véhicule à véhicule pourra, par exemple, permettre d’indiquer aux applications d’autopartage combien de places sont libres dans telle voiture pour tel itinéraire. 

 

Remodelée par la crise climatique, améliorée par la connectivité, reformulée par les évolutions sociétales, l’automobile de demain sera tout à la fois écologique, hyper-numérisée et collective. C’est un nouveau chapitre de cette industrie qui est sur le point de commencer.