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Le métavers est-t-il l’avenir du retail ?

Le métavers est-t-il l'avenir du retail ?

Considéré comme la prochaine révolution numérique, le métavers pourrait entièrement redéfinir les codes du e-commerce. De quoi parle-t-on exactement ? Et en quoi est-ce une opportunité pour le retail ?

 

Le métavers n’est pas un concept récent. Prophétisé en 1991 par l’écrivain de science-fiction Neal Stephenson dans le roman culte « Snow Crash », puis popularisé auprès du grand public en 2018 par le blockbuster Ready Player One réalisé par Steven Spielberg, lui même adapté du livre éponyme rédigé quelques années auparavant par Ernest Cline, il représente un nouvel âge du web, celui d’un internet tridimensionnel, immersif, incarné à l’aide d’avatars, accessible grâce à la réalité virtuelle, et qui reproduit tous les aspects de la réalité à un niveau de réalisme jamais atteint. Un doublon numérique du monde qui propose un voyage hypnotique et sans fin à travers le réseau. 

 

Matérialisés par des plateformes comme Roblox, The Sandbox, Fortnite, Minecraft ou encore Horizon Worlds de Meta/Facebook, ces nouveaux environnements digitaux possèdent d’ores et déjà un très fort pouvoir d’attraction sur les marques. La plupart d’entre elles y ont déjà posé un pied, voire même deux. En 2021, l’enseigne de luxe Gucci avait commercialisé le sac Dionysus sur Roblox. La même année, Balenciaga avait été la première marque de mode à s’implanter dans les arcanes du jeux-vidéo Fortnite pour vendre des vêtements virtuels sous forme de NFT (Non Fungible Tokens). Toujours en 2021, Nike avait créé la plateforme Nikeland sur Roblox pour vendre des baskets virtuels, tandis que Van’s suivait le même chemin avec Van’s World. Début 2022, Coca-Cola avait lancé la boisson virtuelle Coca-Cola Zero Sugar Byte sur Fortnite. 

 

De Zara à Stella Artois, de Nissan à Tommy Hilfiger, de Louis Vuitton à Carrefour, de Disney à Tinder, en passant par Adidas, Ferrari, Mastercard, Rexona, … ce n’est plus un effet de mode. C’est un phénomène qui est désormais massif. Et tout indique que ce n’est qu’un début. 

 

Marketing immersif.

 

En décembre 2021, une étude réalisée par la banque américaine Morgan Stanley estimait que les projets de métavers pourraient générer un revenu additionnel de 50 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour les marchés de la mode et du luxe, en complément des profits réalisés par les points de ventes physiques et le e-commerce traditionnel. De son côté, Bloomberg Intelligence tablait sur un chiffre d’affaires potentiel de 800 milliards de dollars par an, tous secteurs et toutes marques confondus, dès 2024. Le métavers ressemble en tout point à un nouvel eldorado du retail doté d’une force de frappe commerciale sans équivalent.

 

Car ce qui rend ces nouveaux environnements si attractifs et si uniques, c’est la possibilité d’hybrider de façon troublante le réel et le virtuel. La frontière qui séparait jusque-là le monde physique du monde digital devient poreuse. L’immersivité permet de reproduire fidèlement les expériences vécues par les consommateurs dans la vraie vie, mais en valorisant les produits grâce à un storytelling qui mobilise tous les atouts du digital. Toute proposition devient ainsi proprement spectaculaire. 

 

Par ailleurs, les NFT donnent la possibilité, en étant non fongibles, c’est à dire non échangeables, d’attribuer une valeur unique à un produit numérique. C’est une première. C’est également un moyen particulièrement effiace pour répondre aux attentes des consommateurs de demain. « Les nouvelles générations, et plus particulièrement la génération Alpha, ne différencient plus ce qui est dans le virtuel et ce qui est dans le physique. Le prisme du métavers pour aider les marques, c’est de les préparer à l’apparition de toute une série de produits qui seront conçus pour un usage digital et qui n’auront plus d’existence matérielle. «  explique Neal Robert, co-fondateur de BEM Builders, une des premières « metaverse factory » en France. 

 

Pour accélérer le e-commerce, tous ces éléments constituent une promesse bien plus forte qu’un internet plus rapide, plus puissant et sans latences ou que des plateformes de vente toujours plus intelligentes et servicielles. En réalité, jamais dans l’histoire du retail, une technologie n’avait contenu en elle un aussi fort pouvoir de réinvention. Mais les perspectives ne s’arrêtent pas là. 

 

La révolution haptique.

 

Pour que l’expérience d’achat soit complète, il manquait encore une brique, celle des sens. En influençant l’évaluation que les consommateurs font d’un produit, le toucher et l’odorat jouent en effet un rôle fondamental pour déterminer leur prise de décision. Depuis toujours, l’absence de sensorialité est d’ailleurs le talon d’Achille du e-commerce. Tout va changer grâce aux dispositifs haptiques qui permettent d’ajouter au digital la sensation du toucher grâce à des gants ou à des combinaisons munis de capteurs. La technologie permettant de faire cela existe depuis plusieurs années, et elle ne cesse de progresser.

 

Fin 2022, l’entreprise japonaise AI Silk Corporation dévoilait les gants haptiques nouvelle génération Lead Skin, mis au point grâce à un partenariat avec l’université de technologie de Tohoku. Composés de fibres conductrices qui agissent comme un réseau d’électrodes, ces gants permettent de simuler avec une précision jamais atteinte la sensation de préhension, avec un ressenti qui va de la paume de la main jusqu’aux doigts. Cela veut dire que demain, il sera possible non seulement de toucher, mais également de saisir un objet en réalité virtuelle. 

 

En France, le CNRS travaille également sur cette question. Les chercheurs du laboratoire de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique ont mis au point un dispositif qui génère un retour tactile « multitouch » pour simuler le toucher avec une plus grande finesse. Selon Betty Semail, chercheuse au Laboratoire d’électrotechnique et d’électronique de puissance de Lille, il devient possible d’ « imaginer un dispositif pour aider le choix d’un consommateur qui percevrait la texture d’un tissu depuis le site Web d’un magasin. » Plus fort encore, le casque « Season Traveller », inventé par Samsung,  permet de simuler les odeurs, l’humidité ou la sensation du vent sur la peau. 

 

L’e-achat a donc toutes les chances de devenir multi-sensoriel. Appliqué au métaverse, cela ouvre des possibilités vertigineuses car le levier de l’émotion est fondamental pour faciliter les ventes. Il reste néanmoins un cap essentiel à franchir pour que les promesses de ces nouveaux environnements digitaux puissent se réaliser, celui de l’adoption des équipements. « La démocratisation du métavers passera par la démocratisation des devices. A ce titre, il y a eu une croissance énorme dans les ventes de casques de réalité virtuelle en 2022. Dans un avenir proche, la technologie va devenir de plus en plus facile d’accès, jusqu’à rentrer dans les usages de la grande majorité des consommateurs. » conclut Neal Robert. Tous les voyants sont au vert pour que le métavers joue un rôle essentiel dans le retail de demain.