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Le parking , nouveau maillon incontournable de la logistique urbaine.

Le parking , nouveau maillon incontournable de la logistique urbaine.

Alors que les parkings vacants sont de plus en plus en plus nombreux dans les grandes agglomérations, la logistique urbaine pourrait profiter de cette réserve foncière pour livrer davantage de colis, plus rapidement et dans de meilleures conditions. Explications.

 

Selon la Cour des Comptes, le taux d’occupation des parcs de stationnement parisiens est passé de 56 % en 2014 à 42 % en 2019, et cette tendance baissière ne cesse de s’accentuer. À Bordeaux, les parkings ne sont utilisés en moyenne qu’à 44% de leurs capacités et à Nantes, 54% des emplacements demeurent libres la plupart du temps. La situation est similaire dans la quasi-totalité des métropoles françaises, et cette vacance représente des centaines de milliers de mètres carrés disponibles durablement tout au long de l’année. Moins motorisés qu’auparavant – seulement un tiers des parisiens possèdent une voiture en 2024 selon l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme) – les habitants des grandes agglomérations ont peu à peu adopté de nouvelles façons de se déplacer, privilégiant plus qu’auparavant le vélo, la marche et les transports en commun.  

En parallèle, l’explosion du e-commerce a considérablement augmenté le volume des livraisons à effectuer à domicile et hors domicile, avec des millions de colis à acheminer chaque jour et des flux logistiques qui doivent être calibrés pour répondre aux enjeux du dernier kilomètre tout en garantissant l’entière satisfaction des clients. Pour les entreprises, cela signifie accroître considérablement et de façon continue le nombre de leurs points de conditionnement et d’envoi pour être en mesure de faire face à la demande. 

De ce fait, le parking est de plus en plus considéré, grâce à son maillage très dense et sa présence dans chaque quartier, comme une infrastructure à prioriser pour relever ce défi. Quels sont ses atouts pour révolutionner la logistique urbaine ? 

 

Un réseau idéal. 

 

Il faut dire d’emblée qu’il est difficile de faire mieux que le parking pour aider les entreprises à mieux livrer. Ces vastes espaces pensés pour le stationnement des véhicules bénéficient d’une proximité immédiate avec le centre-ville, d’une répartition territoriale au plus près des citadins, d’un accès rapide aux principaux axes de circulation et d’un emplacement souterrain qui minimise les nuisances sonores pour les riverains.

Ils bénéficient également de modalités structurelles et architecturales qui en font des lieux particulièrement propices à la livraison. Leur cahier des charges, qui est strictement le même pour tous les sites, précise qu’ils doivent inclure « des rampes d’accès assez larges, une hauteur sous plafond suffisante, une résistance au sol minimale, et la disposition des murs doit permettre de manœuvrer facilement un véhicule. «  A cela, il faut ajouter que leur coût d’exploitation ou d’acquisition est largement inférieur à celui d’un bien immobilier classique, avec des prix en moyenne 30% moins élevés. Tous ces éléments font qu’il est avantageux d’y aménager des plateformes dédiées au conditionnement et à la livraison des produits. 

Par ailleurs, cette mise à profit des parkings représente une véitable mue de la logistique urbaine qui permet d’adapter plus finement le volume des livraisons aux contraintes de la ville, notamment écologiques, économiques et fonctionnelles, comme l’expliquait Jonathan Sebbane, DG de Sogaris, entreprise spécialisée dans la logistique durable, lors d’une interview accordée à Paris Commerces, la structure qui regroupe les trois bailleurs sociaux de la Ville de Paris (Paris Habitat, RIVP et Elogie-Siemp) :  » La maîtrise d’une mobilité des biens décarbonée au service des villes et de leurs habitants est devenue un immense défi, auquel les grandes métropoles répondent à la fois par la réglementation et par l’accompagnement des professionnels. C’est également la nécessité de déployer un réseau de sites immobiliers à l’échelle de l’agglomération, parfaitement localisés pour répondre aux besoins économiques des professionnels. Cet immobilier doit être totalement adapté à son environnement et à ses contraintes : car il n’y a pas qu’une seule logistique urbaine, standardisée par l’arrivée de poids lourds et le départ de petits véhicules fussent-ils propres, mais une multiplicité de besoins qu’il convient d’adresser par des bâtiments et des espaces adaptés aux usages, faisant montre d’une insertion architecturale et urbaine de grande qualité. C’est sans doute la clef pour inscrire durablement la logistique urbaine comme une nouvelle fonction standard de la programmation urbaine. »

De fait, c’est exactement ce que le parking permet de faire en donnant la possibilité aux acteurs de la logistique de recalibrer facilement le réseau des hubs qui garantissent l’acheminement des colis vers les clients, que ce soit des particuliers ou des entreprises, pour pouvoir les activer en fonction de l’évolution de la demande, tout en améliorant la livraison du dernier kilomètre, voire du dernier mètre. Et ce avec une grande efficacité. 

 

Décarboner les livraisons.

 

Autre atout notable, et non des moindres en ces temps d’aggravation du réchauffement climatique, le parking permet de contracter les chaînes logistiques et d’éviter ainsi l’étalement des entrepôts dans le péri-urbain ou dans les zones rurales de proximité, ce qui fait mécaniquement baisser la pollution liée aux flux de produits. Les véhicules de livraison peuvent  y être regroupés au plus près des clients, réduisant les distances à parcourir pour les livreurs et facilitant le recours aux mobilités douces. Les colis peuvent être triés sur place, puis distribués à pied, en vélo-cargo ou en utilisant des camionnettes électriques faiblement émettrices de CO2. 

De ce fait, le parking apparaît comme un levier essentiel à actionner pour décarboner les livraisons opérées en ville, comme le précisait Laetitia Dablanc, urbaniste en charge de la Chaire Logistics City à l’Université Gustave Eiffel, au média lyonnais Millénaire 3 :  « La localisation du dernier entrepôt a un grand impact. Vous pouvez avoir le cas d’un hub au centre de Paris qui permet de faire des livraisons en vélo cargo, ce qui est un cas qui devient très banal, même pour Amazon par exemple à New York où le dernier entrepôt est l’espace de voirie, avec un camion qui décharge littéralement sur le trottoir ou sur un emplacement de stationnement. Ces localisations sont beaucoup plus favorables que les configurations où l’entrepôt est à 30 kilomètres avec des livraisons par camionnettes. Des études de cas réelles ont montré qu’un entrepôt urbain avec une livraison par vélos cargos, voire à pied ou en petites camionnette électriques permet une économie de l’ordre de la moitié du CO2 émis par rapport à l’entrepôt de banlieue avec une livraison par camionnettes. Et ça, c’est un choix que tous les opérateurs du commerce sont en train de devoir faire. Bien sûr, il vaut mieux un petit micro-hub bien aménagé qu’une opération de transfert de colis à même le trottoir mais l’idée reste la même. »

Tous ces avantages, que ce soit en termes de plus value environnementale, de flexibilité d’usage ou de gain économique, poussent en avant la reconversion des parkings, d’autant que de multiples projets déjà réalisés prouvent que ce type d’opération est viable. 

 

Nombreuses initiatives.

 

Dès 2011, à Paris, sous la place de la Concorde, Chronopost a installé un espace logistique urbain (ELU) dans un parking de 950 mètres carrés exploité par le groupe Vinci, ce qui a permis au géant postal de livrer de façon efficace et fluide, presque sans aucun retard, plus de 6000 colis par mois dans les 7ème et 8ème  arrondissements de la capitale. Peu de temps après, la Saemes, exploitant de premier plan des parkings publics en Ile de France, concluait un partenariat historique avec FeDex, qui prévoyait la mise à disposition de 307 mètres carrés d’espaces de logistique urbaine (ELU) dans le parking Pyramides, afin de livrer 7000 colis tous les mois. 

Depuis, et de plus en plus, ce sont les gestionnaires de parkings qui accélèrent le le réusage de leurs parcs pour contrebalancer la baisse de leurs activités et trouver de nouvelles opportunités commerciales. En 2021, le Groupe Indigo, qui exploite 2,4 millions de places de stationnement dans le monde, a collaboré avec la start-up mon-marché.fr, spécialisée dans la livraison à domicile de produits alimentaires pour le compte de Grand Frais,  afin de mettre en service un hub logistique et des « ateliers de préparation de commandes » dans un parking souterrain désaffecté de la Porte de Saint-Cloud. L’objectif était de pouvoir livrer les clients situés à Boulogne et dans le 16e arrondissement en une heure maximum, grâce à des vélos triporteurs électriques. Depuis, Indigo a lancé à Paris trois autres projets de reconversion, réaffectant 25 000 mètres carrés de parkings à des activités logistiques.  

En 2023, à Lyon, LPA (Lyon Parc Auto), un des principaux opérateurs de stationnement de la capitale des Gaules, a ouvert un quatrième espace de logistique urbaine dans un de ses sites, après avoir testé avec succès ce modèle dans le sud de la ville, dans le quartier de La Confluence et le parking du marché de la gare.

Cela vaut aussi, bien évidemment, pour les entreprises de livraison. En 2022, rue du Grenier Saint-Lazare à Paris, Sogaris a lancé un ambitieux projet de transformation d’un ancien parking de 1600 mètres carrés pour en faire un espace de stockage sur plusieurs niveaux et proposer de nouveaux services logistiques aux habitants du quartier.

Avec la diminution continue du nombre de voitures en ville, tout indique que le parking est appelé à jouer un rôle de plus en plus important pour fluidifier et faciliter l’acheminement des colis. Et encore un peu plus si l’on considère que la raréfaction du foncier disponible pousse les municipalités et les entreprises à exploiter les mètres carrés inutilisés. Il faut donc bel et bien s’attendre à un recalibrage des chaînes logistiques en ce sens.