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De la déconsommation à la “funflation” et à la “comfortflation” : un consommateur en demande d’expériences uniques…et confortables.

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Si, face à l’inflation, les consommateurs restreignent leurs dépenses dans leurs achats du quotidien, une part non négligeable d’entre eux se refuse à sacrifier ses loisirs pour épargner son porte-monnaie. C’est notamment le cas aux États-Unis, où nombre d’américains n’hésitent pas à débourser des sommes folles en billets de concert. Un comportement qui a engendré une inflation galopante dans le secteur du divertissement.

 

“Les Français se privent”, indiquait UFC Que Choisir samedi dernier sur son blog. “Les Français pratiquent la ‘déconsommation’”, renchérit cette semaine le magazine Capital, qui explique “cette nouvelle réalité économique” par “une inflation persistante qui a forcé les ménages à revoir leurs habitudes d’achat à la baisse”.

 

De fait. Cela fait plusieurs mois que les acteurs, notamment et surtout, de la grande distribution, tirent la sonnette d’alarme, évoquant un “tsunami de déconsommation” (Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, 29 août 2023),  ou encore une “consommation alimentaire” qui “revient à son niveau d’avant les années 2000 en raison de l’inflation” (Dominique Schelcher, PDG de Système U, 5 juillet 2023). Un constat corroboré par une étude Circana, également relayée par UFC Que Choisir et le magazine Capital, révélant une baisse de “plus de 4 % du volume des achats en grande surface au premier semestre”.

 

En parallèle, les Français ont pourtant consacré à leurs vacances d’été un budget significativement plus important qu’en 2022 (+9 %), selon une étude Elabe pour BFM et ce, même si 64% d’entre eux avaient alors indiqué que “l’inflation [avait] un impact sur leurs vacances (lieu, durée, activités, type de logement)”. Doit-on déceler dans ce paradoxe un signal faible en faveur d’une apparition, à plus ou moins court terme, en France, du phénomène de “funflation”, observé depuis plusieurs mois aux États-Unis et relayé en masse, cette semaine, par les médias français ? 

 

Des Américains qui déboursent de grosses sommes d’argent dans les concerts.

 

Contraction des mots “fun” (NDLR : amusement, divertissement) et “inflation”, le néologisme “funflation” a été inventé par Jessica Reif Ehrlich, analyste à la Bank of America, pour décrire l’explosion des prix dans le secteur des loisirs. Une inflation galopante surpassant largement, aux États-Unis, la hausse des prix des produits de consommation courante et expliquée, selon elle, par une nette tendance, chez les consommateurs américains, à accepter de débourser de grosses sommes d’argent dans les concerts, les rencontres sportives et les parcs d’attraction. Au risque de s’endetter. Et de nourrir, encore davantage, la hausse des prix. 

Selon des données Pollstar publiées la semaine dernière par le Wall Street Journal, le prix moyen d’un billet de concert s’élevait ainsi cet été à 120,11 dollars, soit une augmentation de 7,4 % par rapport à 2022  et de pas moins de 27 % comparé à 2019.  

 

En France, des prix boostés par des “offres VIP”.

 

En France, note le Crédoc dans les colonnes du Figaro, le phénomène de “funflation”, “probablement trop faible pour être mesurable en population générale”, n’a pas encore été observé.  Selon une étude PMP Strategy pour le Prodiss, également citée par le Figaro, “entre 2019 et 2023, les prix des places de concert aux tarifs les plus bas sont globalement restés sous le niveau de l’inflation en France”. 

 

Néanmoins, “les tarifs les plus élevés des billets de concerts à très grandes jauges, arenas et stades, se sont situés au-dessus”, note aussi l’étude. Un renchérissement des prix sur les concerts de grande envergure qui ne sont pas sans lien avec la multiplication, ces derniers mois, des “offres VIP” comprenant, le plus souvent, des places assises en “carré or”, ainsi que des services de type boissons gratuites, goodies ou encore une rencontre avec l’artiste. Des offres dont les tarifs peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros. A titre d’exemple, lors du dernier concert de Beyoncé au Stade de France en mai dernier, il fallait débourser pas moins de 3027 euros pour ”être assis au premier rang, au plus proche de la scène” et obtenir “deux tickets boissons, un cadeau du RENAISSANCE World Tour en édition limitée, un pass VIP, un accès privilégié au stand des produits dérivés, ainsi qu’une séance photo sur le tapis rouge et un accueil par le personnel”, avait alors rapporté le Huffington Post. Et si elles n’atteignent que très rarement des prix aussi exorbitants, il n’est pas rare que les offres VIP se monnayent plusieurs centaines d’euros. 

 

Un phénomène imputable à la crise sanitaire.

 

Certains observateurs imputent le phénomène de “funflation” à la crise sanitaire et aux confinements qu’elle a induits. C’est le cas, par exemple, de Stéphanie Villers, économiste du cabinet de conseil PwC, qui estime, dans des propos cités par Capital que “depuis ces périodes de confinement certaines personnes, majoritairement des jeunes, ont eu tendance à comprimer leurs dépenses courantes, comme dans l’alimentation ou l’énergie, pour conserver le plaisir de certaines sorties”

 

En réalité, cela va vraisemblablement plus loin. Ce n’est, semble-t-il, pas pour le “fun”à lui seul, qu’une part des consommateurs sont prêts à mettre le prix, mais, aussi et surtout pour l’expérience d’exception (et de confort !) qu’il peut leur procurer. Une envie (un besoin ?) de confort qui peut, lui aussi, s’expliquer par la crise sanitaire. En témoignent l’avènement post-covid du “cosywear”, du “no bra”, ou encore, comme l’indiquait au début de l’été le baromètre Actineo de la qualité de vie au travail,  la propension des salariés à exiger que leur entreprise leur propose désormais “des espaces de convivialité comme des terrasses, des lieux pour travailler à l’extérieur, des cuisines ouvertes et des restaurants accueillants”.

 

En définitive, que ce soit dans leurs habitudes de consommation, dans leurs loisirs ou même dans leur travail, les consommateurs sont plus que jamais en demande d’expérience (au détriment des produits, même de loisirs) et, surtout, d’expériences uniques et personnalisées, au service de leur propre bien-être…et de leur propre unicité.

 

Plutôt qu’une “funflation” à l’américaine, assisterons- nous dans les prochains mois, en France, à un phénomène de “comfortflation” ?