Et si c’était désormais à l’offre de structurer la demande ?
Devenir un référent, un totem transculturel et transgénérationnel comme le furent, par exemple, Levi’s ou Converse il y a vingt ans, comme l’a été Apple ces dix dernières années. Tel est l’objectif que les retailers et les marques doivent se fixer aujourd’hui. Telle est la clé de leur réussite à long terme face à des typologies de consommateurs toujours plus pléthoriques, floues et mouvantes.
Le consommateur est devenu un être aux multiples profils : passionné, indifférent, tatillon, accommodant, dépensier, économe.
Avec la montée en puissance du commerce en ligne et, par là même, la multiplication des acteurs e-commerce et la surabondance d’offres produits qu’elle induit, Internet s’est mué, en l’espace de quelques années, en une quantité de petites niches proposant, à des clients de plus en plus ciblés, des produits, expériences et services répondant à des besoins de plus en plus spécifiques. Un éclatement de l’offre duquel résulte une complexification des typologies de consommateurs et qui, dès lors, met à mal les techniques de ciblage traditionnelles, appliquées par les marques et retailers durant ces trente dernières années.
Un consommateur aux multiples facettes.
Aujourd’hui, une même personne peut faire ses courses alimentaires chez Lidl, s’offrir de l’audiovisuel Bang & Olufsen, acheter ses pantalons chez Celio et ses chaussures de running chez Salomon. De fait, la constitution d’une typologie de consommateur ne réside plus dans les caractéristiques intrinsèques de l’individu, telles que son âge, son sexe ou sa classe sociale, mais dans la relation qu’il entretient, d’ordinaire ou ponctuellement, avec un service ou un produit donné. Tout aussi essentiel qu’il soit, un produit ne suscitant pas d’intérêt de la part du consommateur ne bénéficiera que de peu d’investissement de sa part, aussi bien en termes de temps que d’argent. A l’inverse, plus l’engouement de ce même consommateur à l’égard d’un produit – ou, du moins, pour l’univers auquel il appartient – sera grand, plus il fera preuve d’investissement et, aussi et surtout, d’exigence, durant toutes les étapes clés de son acte d’achat.
Le consommateur est devenu un être aux multiples profils : passionné, indifférent, tatillon, accommodant, dépensier, économe et ce, indépendamment de sa catégorie socioprofessionnelle. Les cibles traditionnelles ont disparu pour laisser place à d’autres typologies, aussi multiples que floues et éphémères. Des cibles mouvantes, en somme. Le pire cauchemar de tout marketeur qui se respecte ! Comment, dans un tel contexte, construire une offre produit pertinente ? La réponse se trouve, entre autres, dans les data et dans la coévolution produit/consommateur qu’elles permettent.
Les data comme outil de design de l’offre.
Désormais, la collecte et l’analyse des données consommateurs ne faciliteront plus seulement l’acquisition et la fidélisation du client. Elles serviront aussi le design de l’offre. Certains retailers l’ont d’ores et déjà compris. Pionnier dans ce domaine, Decathlon a su créer et faire évoluer ses produits, non plus en fonction d’archétypes figés et hermétiques (le sportif vs le coureur du dimanche, le fana de VTT vs le cycliste sur route etc.) mais à travers une connaissance approfondie de ces nouvelles niches, à la fois transverses en matière de typologies (historiques) de consommateurs et ultra-spécifiques en matière d’attentes du client et qui, jusqu’alors, n’étaient pas reconnues par le marché.
Une personnalisation en temps réel de l’offre produit qui doit permettre à chaque consommateur de trouver son produit idéal ou, du moins, le produit qui répond le mieux au besoin qu’il souhaite satisfaire à un instant T. Néanmoins, face à des offres concurrentes toujours plus nombreuses et, elles aussi, toujours plus personnalisées, la seule coévolution consommateur/produit, s’avère nécessaire mais insuffisante pour s’imposer sur le long terme.
Une identité de marque forte pour structurer le marché.
C’est pourquoi les retailers ont à présent tout à gagner à structurer leur offre de manière à rétablir des référentiels et à orienter le consommateur dans la multitude d’offres disponibles sur le marché. L’une des clés pour y parvenir demeure dans l’identité-même du produit, voire de la marque elle-même : dans presque chaque secteur, il y a des acteurs qui donnent le La, qui structurent le marché en faisant montre d’une identité forte et, par conséquent, clivante. Et c’est ce clivage qui, paradoxalement, va faire de ces marques et de ces commerçants une partie intégrante d’une culture commune à tous. Qui n’a pas un avis tranché sur les Birkenstock ou les Stan Smith ? Qu’on les déteste ou qu’on les adore, ces marques de chaussures structurent le mapping mental de chacun de nous. Preuve que pour devenir culte et séduire cet individu aux multiples facettes qu’est le consommateur d’aujourd’hui, une marque doit contribuer à construire l’identité de chacun, quels que soient son sexe, son âge et sa classe sociale.
En cette période de mutation profonde du commerce, les retailers et les marques nagent ainsi en plein paradoxe, puisque leur réussite réside à la fois dans le très petit et dans le très grand : dans le micro-ciblage et la transversalité, dans le clivage et l’universalité.