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“Le bonheur est dans le près” par Dominique Schelcher : de l’optimisme et de belles idées qui font du bien.

Le bonheur est dans le près

Créateur de liens qui doivent rassembler, lieu de sociabilité et d’échanges, le commerce de proximité va désormais de pair avec la nouvelle consommation responsable. Dans son ouvrage « Le bonheur est dans le près : le commerce au cœur du vivre ensemble », Dominique Schelcher, président du groupe Système U, partage sa vision d’un commerce qui porte l’espoir d’une société plus vertueuse, plus apaisée, plus équitable.

Dominique Schelcher PDG de Système U
Dominique Schelcher, PDG de Système U. © Système U

Quelques mois seulement après le premier confinement, durant lequel les employés des grandes surfaces ont été salués et applaudis par de nombreux Français, c’est la douche froide : d’après un sondage, seulement 37% des Français ont confiance dans la grande distribution. Pour Dominique Schelcher, c’est le déclencheur d’un livre plaidoyer, visant à raconter aux lecteurs le commerce tel qu’il est envisagé chez U.

Loin des idées reçues et des clichés profondément ancrés. Un commerce de proximité, qui ne subit plus les injonctions mais propose des solutions pour accompagner la transition écologique. Un commerce engagé, au service du rayonnement retrouvé des territoires.

Changer sa manière de consommer : « Le temps est venu ».

Pour Dominique Schelcher, qui décrit la société d’hier, d’aujourd’hui et de demain, nous vivons la fin d’un cycle marqué par la consommation de masse, sous les effets du climat, de la digitalisation de la société et du vieillissement de la population. Une évolution accélérée par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Un nouveau chapitre s’ouvre, pour un commerce plus responsable, plus engagé ; le consommateur, réconcilié avec le citoyen, devient davantage acteur. 

Si l’auteur ne manque pas de souligner la schizophrénie des clients, dont les paroles ne coïncident pas toujours avec les actes pour des raisons bien souvent liées aux contraintes de pouvoir d’achat, il pressent que leurs comportements vont de plus en plus coïncider avec leurs souhaits et leurs déclarations. « Le temps est venu » estime-t-il. Un changement d’autant plus inévitable que l’été 2022, pris en compte sur la période de juin à août, a été le plus chaud jamais enregistré en Europe, d’après le programme européen d’observation du changement climatique, Copernicus. Oui, le temps est venu.

Dans cette nouvelle ère, « la grande distribution a un rôle à jouer : étant en contact avec les clients, elle est facteur d’accessibilité et de pédagogie ».

Un commerce de solutions.

Face à ces changements quel est le rôle des commerçants ? Celui d’accompagner le mouvement. « Nous voulons faire partie de la solution. Cela passe par plusieurs voies : être un magasin toujours plus responsable, développer la part de produits français en rayons, rendre plus accessibles certains produits, faire de la pédagogie… » indique Dominique Schelcher. Le commerce a en effet une responsabilité importante, qui peut par exemple se traduire par la volonté de pousser le consommateur à une prise de conscience. L’auteur cite en exemple l’initiative de l’un des magasins berlinois du groupe Rewe qui a affiché à côté des prix facturés au client, les « vrais » prix, tenant en compte le coût environnemental. Le litre de lait est alors passé de 0,70 euros à 1,75 euros et la livre de viande hachée de 2,79 à 7,62 euros. 

« Un commerce responsable lutte contre le gaspillage, réduit le plastique, expérimente le vrac et la consigne, propose une offre de seconde main, des alternatives à la viande, soutient les emplois locaux … » ajoute-t-il. Pour Dominique Schelcher,  la grille de lecture du commerce de demain sera celle de l’impact environnemental. « Faudra-t-il le traduire par un score ? J’y suis favorable. Il pourrait exister un Planète-Score pour faire du bien à la santé de la planète, tout comme il existe le Nutri-Score, pour faire du bien à sa santé ».

La rôle clé de la grande distribution pour accompagner la transition.

Loin de représenter une menace, la grande distribution accompagne la transition vers une nouvelle consommation responsable, souligne Dominique Schelcher. Elle forme des coalitions avec des clients, propose des volumes accessibles au plus grand nombre, donne un accès et une visibilité aux producteurs. La consommation responsable de demain se situe à l’échelon local, dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour du magasin.

Plusieurs exemples sont cités comme le partenariat signé entre le maraîcher local ID3A et Système U, qui prévoit un engagement de ce dernier à acheter la totalité de la production de salades ou de certains légumes. L’enseigne promet aussi que 80% des matières premières agricoles des produits alimentaires U seront d’origine France en 2025. Les magasins U organisent également l’opération « Célébrons les producteurs de chez nous ». 

L’idée, pour Dominique Schelcher, est de « défendre notre agriculture, un fleuron de la puissance française, sauvegarder notre souveraineté alimentaire pour ne plus être en situation de dépendance aux importations ». En effet, près d’un fruit sur deux consommés en France est importé comme un quart de la viande de porc et un tiers de la volaille (contre 13% en 2000).

« Mais n’oublions pas que tous les Français n’ont pas les moyens d’acheter des fraises françaises, précise Dominique Schelcher. Les fruits et les légumes français sont 15% plus chers en moyenne (…). Tous les clients n’ont pas les moyens d’agir, de consommer mieux, même s’ils le voudraient. Une réflexion est donc à mener autour de l’inégalité d’accès, qui se traduit par une inégalité nutritionnelle et une fracture du bien-être. » Il s’agit de déconstruire le prix, faire preuve de pédagogie.

Le commerce, moteur des territoires.

Le livre est également l’occasion de souligner le rôle du commerce, moteur des territoires, qui attire la consommation, crée de l’activité et des emplois. Dominique Schelcher cite l’étude menée par Laurent Davezies, professeur au CNAM, qui conclut que le commerce de détail constitue un partenaire des territoires. Dans la période 2007-2018, celui-ci a créé près de 100 000 emplois nets, ce qui représente le double du secteur salarié privé. Au sein du secteur du commerce, les supermarchés sont les pôles d’emploi les plus porteurs, avec une croissance 10 fois plus forte que celle de l’emploi salarié global. 

Les commerces contribuent au maintien de la vie des centres-villes – Système U n’hésite pas à reprendre des espaces vacants en ville, des locaux abandonnés, des anciens garages… – mais aussi à l’attractivité des territoires ruraux.

Le magasin constitue également, par une multitude d’actions locales, un moteur de la transition écologique dans les territoires. Réduction de la consommation énergétique, éclairage avec des ampoules LED, valorisation des déchets, recyclage du plastique (la start up normande B :bot transforme les bouteilles en plastique en paillettes, qui servent à fabriquer de nouveaux emballages pour les produits U), incitation à la consignation, réduction du gaspillage (partenariats avec Too good to go ou Comerso)… Les initiatives ne manquent pas.

 

Si l’ouvrage comporte sans doute une dose d’utopie, celle-ci est totalement revendiquée et assumée. Comment avancer et progresser sans belles idées ?