TOP

La couleur, élément incontournable du retail design et de la construction d’expériences de marques mémorables.

© Haribo

Très liée à l’identité d’une marque, la couleur est une composante essentielle de l’univers du retail. Elle forme, avec l’éclairage, un binôme indissociable, au service du produit ou d’un univers. Décryptage.

 

Selon une étude américaine, la couleur permet d’augmenter la reconnaissance de marque de près de 80 % (source Color Matters, Jill Morton).

Beaucoup d’enseignes et de marques l’ont compris et ont choisi d’associer une couleur à leur identité, qu’ils déclinent dans l’expérience d’achat physique.

 

La couleur, très liée à l’identité de la marque.

 

On reconnaît de loin une boutique Tiffany, grâce à ce bleu 1 837 C, référence Pantone exclusivement réservée à la maison de joaillerie de luxe créée en… 1837.

Il y a aussi l’orange Hermès, le rouge Christian Louboutin, le lilas Milka …

Certains ont fait le choix d’une combinaison de couleurs, comme le jaune et bleu pour Ikea, le noir et blanc pour Chanel ou encore le brun et beige pour Louis Vuitton. Une stratégie centrale dans une expérience de marque.

« L’utilisation de la couleur peut aussi servir le concept store éphémère, où l’on s’autorise davantage à jouer avec l’environnement que dans le magasin permanent, explique Julien Reibell, directeur général de l’agence retail design Altavia Pallas. Dans le pop-up, on cherche en effet à rendre l’expérience mémorable beaucoup plus que le produit. »

 

On retrouve ce parti-pris poussé à l’extrême et participant considérablement à l’expérience de marque dans ce qu’on appelle le concept Color blocks, où tout l’environnement apparait dans une seule couleur.

« Un des maîtres en la matière n’est autre que Jacquemus, qui façonne chacun de ses pop-up stores comme un potentiel post instagram qui crée le buzz : lockers roses fluos ou encore piscine bleu azur ont inondé les feeds ces derniers mois. Le retail devient média et doit donc être pensé comme tel » remarque Rémi Le Druillenec, cofondateur de l’agence Héroïne, dans un article pour le Journal du Luxe.

© Miou Studio

“On ne peut pas déposer une couleur mais une nuance ou une combinaison de nuances.”

 

Pas de doute, la couleur peut contribuer au succès d’une marque.  Alors est-il possible de déposer une couleur pour s’assurer que jamais la concurrence ne viendra brouiller l’évidence qu’on a réussi à créer ? 

D’après l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) « La jurisprudence précise qu’on ne peut pas déposer une couleur mais une nuance ou une combinaison de nuances qui doivent être désignées au moyen d’un code internationalement reconnu comme le Pantone par exemple ».

Ainsi, la disposition spécifique de plusieurs couleurs ou la combinaison de plusieurs couleurs peuvent appartenir à une marque (mais pas chacune des couleurs), de même qu’une déclinaison spécifique d’une couleur, une nuance, comme le violet Milka « Paisley Purple » ou le jaune Pantone 109C de NIKON.

 

La couleur dans le retail design.

 

En partant du principe que la couleur impacte la nature et la performance de l’expérience, il apparait que les couleurs froides favorisent davantage les expériences calmes, premium, en valorisant le confort du parcours client, tandis que les couleurs plus chaudes suggèrent l’action et… l’achat. « Tout dépend aussi du contexte, nuance Julien Reibell. S’il s’agit d’un lieu de destination, comme une boutique d’ameublement, la couleur n’aura pas le même effet que s’il s’agit d’un commerce de passage tel qu’un duty free. »

Et qui dit choix de couleurs dit aussi jeux sur les contrastes. « Nous utilisons aussi beaucoup le blanc et le gris clair pour créer des respirations et faire parler le produit, ajoute Julien Reibell. Et il peut nous arriver de peindre des plafonds de commerces en bleu foncé, marron foncé ou gris foncé, pour créer de fausses perspectives ou mieux marquer les séparations entre le haut et le bas. Une manière de jouer avec les volumes en trompe-l’œil ! ».

Et quand le produit est très coloré, comme les bonbons de la marque Haribo, il est aussi possible de jouer avec la couleur, tout en respectant l’expérience client.

Sans éclairage, la couleur n’est rien

 

Dans un magasin où le but est de mettre en valeur les produits, la couleur passe bien souvent au second plan. L’éclairage joue alors un rôle essentiel pour produire un contraste entre l’environnement, auquel appartient la couleur, et le produit lui-même.

Contrairement à une maison ou un appartement, où la lumière naturelle est recherchée, une boutique est bien souvent desservie par sa puissance, parfois éblouissante, et son caractère trop changeant. Rien de mieux qu’une bonne lumière artificielle, permettant de maîtriser l’éclairage des produits et de garder le contrôle sur les contrastes que l’on veut créer. « Dans le retail design, l’intensité lumineuse, la température, la focale… sont des éléments essentiels pour faire plus ou moins ressortir la couleur, précise Julien Reibell. Peu de gens le savent mais par exemple chez les bouchers, on dispose sur les éclairages des filtres complémentaires du rouge, pour mettre en avant la qualité du produit et faire ressortir la fraîcheur de la viande, qui paraitrait un peu grise avec un éclairage classique ».

Photo 1 : C’est du joli, La Rochelle
Photo 2 : Boutique Avril, Troyes
Photo 3 : Boutique Avril, Rouen
Photo 4 : Boutique Avril, Bordeaux
© Avril

A l’écoute des tendances, à la recherche de l’harmonie

 

Dans le cadre éphémère d’un pop-up luxe ou premium, il peut être judicieux d’être le plus actuel possible. Les couleurs du moment, définies par les grands cabinets de mode, sont fréquemment utilisées. « Souvent, ce qui fonctionne reprend des codes très actuels » confirme Julien Reibell.

D’ailleurs, en parlant de mode, une même couleur associée à une marque peut évoluer au fil du temps, comme c’est le cas de Renault qui propose un jaune plus acidulé, moins orangé qu’autrefois.

 

Pour Lucie Simon, spécialiste de la couleur et fondatrice de Miou Studio, l’annonce de la couleur Pantone de l’année est toujours attendue avec une certaine excitation. « Pour 2024, je pressentais un coloris orangé … et le Peach Fuzz a été dévoilé ! De quoi apporter la dose de douceur dont nous avons tous besoin cette année. » 

La graphiste-coloriste travaille depuis maintenant plusieurs années pour des marques et des boutiques, pour qui elle imagine une identité visuelle, qui sera déclinée dans sa dimension physique (carterie, flyer, enseigne) et digitale. « A partir d’une couleur dominante, déterminée après l’échange que j’ai avec mon client, je vais commencer à construire une palette de couleurs avec ses différentes combinaisons, en visant toujours l’harmonie, raconte Lucie Simon. Pour Désordre Chéri, une boutique rochelaise multimarques d’accessoires et de bijoux, je suis partie du terra cotta, à la fois naturel et élégant, en y ajoutant à la fois des nuances plus profondes mais aussi des teintes claires et naturelles, de quoi créer un bel équilibre. »

 

Dans son podcast Couleurs Foule, Lucie Simon emmène les auditeurs à la rencontre de professionnels, artistes, théoriciens qui abordent leur relation à la couleur dans leur métier et leur quotidien. « Mais ce n’est pas tout ! Il y a aussi des épisodes plus courts, afin de découvrir les portraits des nuances du cercle chromatique. C’est une réelle immersion auditive pour en apprendre davantage sur ce monde mystérieux, surprenant et infini, qu’est celui de la couleur ».  Le dernier épisode de Couleurs Foule se consacre au blanc, « une couleur aux mille facettes, pas si innocente que ça ».