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Neal Robert : « Dans le metaverse, la marque et le consommateur sont co-constructeurs des expériences ».

Neal Robert © DR

En proposant une expérience immersive et incarnée dans un internet en trois dimensions, le metaverse attire à lui un nombre croissant de marques. Ces nouveaux environnements digitaux préfigurent-ils l’avenir du retail ?

Certes, le marché des crypto-monnaies n’est pas au mieux de sa forme depuis quelque temps, et c’est un euphémisme que de dire cela… Certes, le Web3 n’a toujours pas prouvé que ce qu’il promettait allait se réaliser… Certes, la blockchain est de plus en plus pointée du doigt pour n’être qu’une technologie au service de la spéculation…  Il n’empêche que le metaverse est, quant à lui,  bel et bien sur le point de casser les codes du commerce digital. En permettant un dialogue tout à fait nouveau avec les consommateurs, cette autre territoire du web décentralisé réinvente entièrement la façon de vendre en ligne.

Explications avec Neal Robert, CEO de Bem Builders, une des premières « metaverse expérience factory » en France, dont la mission est de créer des expériences utiles pour les marques.

 

En l’espace de quelques mois, le Web3 a plongé dans le creux de la vague après plusieurs faillites retentissantes qui ont ébranlé le marché des crypto-monnaies. Selon vous, est-ce un phénomène temporaire ? Dans quelle mesure, le métaverse et la blockchain sont-ils appelés à durer ?

 

Les médias jouent la carte de la tendance, mais pas celle du fond. Il faut savoir qu’il n’y a jamais eu autant d’utilisateurs sur The Sandbox qu’à l’heure actuelle. Tout le monde parle de bear market parce que la valeur des crypto-monnaies a baissé mais l’usage, quant à lui, ne cesse d’augmenter. Du côté des marques, il y a eu un écrémage car beaucoup d’entre elles souhaitaient seulement bénéficier d’un écosystème tendance pour avoir un écho dans les médias. Tous les acteurs qui étaient là uniquement pour la spéculation ou pour l’image ont été mis de côté. Les marques qui restent s’inscrivent, au contraire, dans une stratégie sur le long terme pour développer l’usage de cette technologie.

 

Le Web3 serait-il en train de gagner en maturité ?

 

Oui, tout à fait. En 2021, les marques nous contactaient pour être présentes dans le metaverse, sans vraiment savoir ce qu’elles voulaient y faire, et en pensant qu’une collection de NFT maison suffirait pour faire le job. L’année dernière, elles venaient nous voir parce qu’elles étaient à la recherche d’un proof of concept plus construit et plus solide. Et désormais, elles veulent une réflexion sur le temps long pour anticiper les nouveaux usages et les évolutions de ces dispositifs dans les années à venir.  

 

Justement, pouvez-vous nous expliquer comment Bem Builders accompagne les marques dans ces nouveaux environnements ?

 

Aujourd’hui, le metaverse est matérialisé par différentes plateformes accessibles grâce à la réalité virtuelle ou la réalité augmentée, mais aussi plus classiquement depuis un ordinateur, une console de jeux ou un smartphone. Certaines sont centralisées comme Fortnite, donc de type Web2, et d’autres sont décentralisées comme The Sandbox. Ce sont des environnements immersifs, multijoueurs, avec une expérience utilisateur très riche. Notre travail consiste à créer des expériences utiles pour les marques dans ces mondes virtuels. Nous les aidons à définir leur stratégie d’implémentation et nous développons pour elles des services alignés avec leurs valeurs et leurs objectifs.

 

Qu’est ce que les marques viennent chercher dans le metaverse ?

 

Elles ont la volonté de créer des verticales de business, ce qui semble assez logique. Rappelons que deux jeunes sur cinq à travers le monde ont déjà dépensé 100 $ pour acheter un item unique sur Roblox… C’est le prix d’une paire de baskets dans le monde physique. Les générations Alpha et Z évoluent de manière entièrement intuitive dans ces environnements dématérialisés. On parle ici de millions de clients potentiels. Pour les marques, la marge de développement est énorme…

Grâce au metaverse, elles peuvent toucher ces nouveaux consommateurs pour qui les items digitaux sont aussi importants que les produits physiques. C’est un tournant majeur dans la façon de consommer.

 

Établir le contact avec ces nouveaux consommateurs, dont les habitudes et les attentes ont beaucoup évolué, est donc primordial…

 

En effet. Plus que les réseaux sociaux, les mondes virtuels représentent une opportunité pour que les marques puissent parler à ces communautés qui sont déjà importantes, très structurées, et dont le langage et les usages sont tout à fait nouveaux. Elles ne sont pas leur cœur de cible dans le monde physique car elles ne sont pas constituées par leurs clients historiques.

Ce n’est cependant qu’une partie de l’équation car le Web3 redéfinit également le lien qui les unit à leurs clients… En effet, grâce à la blockchain, les utilisateurs sont propriétaires de leurs assets numériques. C’est tout à fait nouveau. Et c’est ce qui fait que dans le metaverse, la marque et le consommateur sont co-constructeurs des expériences. A ce titre, le Customer Relationship Management est appelé à devenir le Owner Relationship Management. Ce qui va tout changer en matière de communication et de fidélisation. Pour les marques, tout l’enjeu est de pouvoir mettre en œuvre une relation horizontale et collaborative avec ces nouveaux consommateurs, tout en restant fidèle à leur ADN.

 

Un exemple de dispositif construit autour de cet objectif ?

 

En collaboration avec la Fondation de France, nous avons développé une expérience éducative pour Carrefour qui vise à préserver les abeilles et les ruches. Nous avons créé la collection NFBee, une série de NFT représntant des abeilles qui ont fusionné avec des fruits et des légumes pour rappeler leur rôle essentiel dans la pollinisation des fleurs.

Nous avons constitué une communauté forte de plusieurs milliers de personnes avec laquelle nous avons mis au point une expérience de play to learn pour éduquer les utilisateurs aux sujets qui concernent les abeilles et les écosystèmes en voie de disparition. C’est une expérience de gaming qui est disponible sur The Sandbox et qui permet de faire une donation. Les joueurs revêtent la tenue d’un apiculteur 3.0 et doivent lutter contre ce qui menace les abeilles, les vagues de chaleur, les frelons asiatiques…. C’est à la fois pédagogique et fun. Chaque joueur y a passé 57 minutes en moyenne, ce qui est énorme. Cette opération a généré une donation globale de 100 000 € qui a été directement reversée à la Fondation de France pour soutenir les apiculteurs.

Par ailleurs, en tant que propriétaire d’un ou plusieurs NFT, les donateurs reçoivent régulièrement du miel produit par les ruches qu’ils ont aidé à sauver, ainsi qu’une carte de fidélité personnalisée qui leur donne accès à de nombreux avantages dans les points de vente physiques. Ce type d’opération permet d’actionner un grand nombre de leviers, éducation,  consommation, fidélisation, loyauté… Elle réunit tous les codes du Web3, à savoir l’appartenance à une communauté, la propriété numérique et l’engagement pour une cause.

 

Pour les acteurs du retail, le metaverse est-il appelé à être commercialement plus efficace qu’une plateforme de e-commerce classique ?

 

Je pense que ce sera le cas parce que le metaverse permet d’amplifier l’expérience des consommateurs comme jamais une plateforme classique ne pourra le faire. Il donne accès à une proposition de e-commerce bien plus forte que ce qui existe actuellement, tout en proposant des gammes de produits adaptés aux usages du virtuel. Par ailleurs, c’est un espace de participation et d’action. Les consommateurs ne sont plus dans une position passive.  Passer 57 minutes dans un monde virtuel pour sauver les abeilles en est un bon exemple. Personne ne passe autant de temps sur un site de e-commerce.

 

Quels sont les nouveaux projets de Bem Builders ?

 

Tout d’abord, nous allons continuer à améliorer les expériences et les dispositifs que nous proposons aux marques. Ensuite, nous sommes fiers de voir que la campagne sur la « safe zone » numérique que nous avons faite pour Orange va donner lieu à une amplification dans les prochains mois. Cela confirme l’intérêt grandissant pour ce type de dispositifs. Ensuite, la levée de fonds que nous avons bouclée en début d’année va nous permettre de travailler sur une nouvelle technologie qui bénéficiera, à terme, à l’ensemble de l’écosystème.