[Dossier] Les centres commerciaux font leur révolution : Les secrets du succès des centres commerciaux les plus fréquentés.
Il y a peu, j’ai eu la chance de fouler les allées de l’impressionnant centre commercial Jewel, à Singapour. Adossé à l’aéroport international Changi, le lieu déborde littéralement de monde. À l’opposé de la défréquentation que d’aucuns déplorent si souvent en Europe, lorsqu’il s’agit de prendre le pouls de nos centres commerciaux. Quelles sont les raisons d’un tel succès ?
Un emplacement idéal.
Première raison (la plus évidente), son emplacement. Relié au terminal 1 de l’aéroport et accessible depuis les autres terminaux par le biais d’une simple passerelle, les voyageurs peuvent y faire facilement un détour.
Au contraire d’un centre commercial tel que le Starcourt Mall, mall fictif (et caractéristique des lieux de commerce américains des années 1980) de la série Stranger Things qui, situé à l’extérieur de la ville, oblige les visiteurs à s’y rendre en voiture ou en navette, le Jewel bénéficie, à la fois, de la proximité des dizaines de milliers de voyageurs empruntant, chaque jour, l’aéroport de Singapour, et de l’offre de transport riche et diversifiée inhérente à sa localisation, en plein coeur de l’un des hubs internationaux les plus fréquentés au monde.
Mais encore faut-il que l’offre du centre commercial soit adaptée audit emplacement. Aussi idéalement situé cet emplacement soit-il. En témoignent les difficultés rencontrées par Aéroville. Ambitionnant, à son lancement en 2013, d’accueillir 12 millions de visiteurs annuels, le centre commercial, pourtant implanté aux portes de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, en enregistrait, en 2015, seulement 8,5 millions et peinait, surtout, à attirer des clients en semaine, le dimanche représentant, à lui seul, près de 22 % du trafic hebdomadaire. À la veille de la pandémie de Covid19, le centre commercial avait attiré 9,2 millions de visiteurs en 2019 et n’avait, ainsi, toujours pas atteint ses objectifs initiaux.
Une offre de services centrée sur les besoins du client.
Il faut dire que, loin d’avoir adapté son offre aux particularités de sa zone de chalandise, Aéroville n’est qu’ une copie conforme des centres commerciaux Unibail-Rodamco-Westfield déjà présents en Île de France.
À l’inverse, si le centre commercial de l’aéroport Changi suscite autant l’engouement des populations locales que celui des voyageurs, c’est, je le crois, grâce à sa capacité à proposer une offre de services centrée sur les besoins du client.
Puisqu’il est installé au sein d’un aéroport, le “joyaux” singapourien fonctionne, lui aussi, comme un terminal. Et outre les services de base, le centre commercial est doté de douches et prend en charge les formalités de transfert vers les ferries et bateaux de croisière. Pour ceux qui le souhaitent, un hôtel les accueille également 24 heures sur 24.
Proposer des expériences inoubliables.
Emplacement et services représentent-ils, pour autant et à eux seuls, la martingale des centres commerciaux de demain ? La réponse est, évidemment, non. Surtout que la crise sanitaire est passée par-là, accélérant, comme jamais, la croissance du commerce en ligne, impactant, de plein fouet, le commerce physique, centres commerciaux en tête.
S’ils veulent rester attractifs, il est par conséquent devenu impératif, pour ces derniers, de se démarquer en proposant à leurs visiteurs des expériences mémorables, pour aller au-delà de l’environnement physique centré sur la seule vente de produits.
Justement, véritable jungle en pleine ville, le Jewel subjugue et divertit quotidiennement voyageurs, touristes et clients avec sa cascade géante, ses jardins tropicaux, ses jeux interactifs et ses spectacles immersifs. Il les restaure, aussi, à travers la présence de plus d’une centaine de cafés, bars et restaurants.
Il en va de même pour les centres commerciaux les plus visités au monde. C’est le cas, par exemple, du Dubaï Mall (plus de 100 millions de visiteurs chaque année) qui abrite notamment une patinoire, un aquarium, des jeux de réalité virtuelle, un manoir hanté, et même une “mini-ville” de 7.000 mètres carrés dédiée aux enfants, “Kidzania”, dans laquelle les plus jeunes peuvent exercer de vrais métiers et gagner de l’argent factice, qu’ils peuvent dépenser sur place. C’est le cas, aussi, du Mall of America (plus de 40 Millions de visiteurs chaque année). Situé à Bloomington, dans le Minnesota, à une quinzaine de kilomètres au sud de Minneapolis, le centre commercial le plus grand des États-Unis comprend lui aussi un aquarium, ainsi qu’un parc d’attractions Nickelodeon et deux hôtels.
L’offre de loisirs : un passage obligé pour attirer la Gen Z.
Ces dernières années, les expériences et les loisirs sont devenus des éléments incontournables de réussite sur le long terme pour les shopping malls et ce, quel que soit leur pays d’implantation. C’est d’autant plus vrai s’ils veulent attirer la jeune génération. Selon une récente étude menée par Leisure Development Partners, pas moins de 42 % des 18-35 ans souhaiteraient trouver des lieux de loisirs près de chez eux et 54 %d’entre eux visiteraient plus souvent les centres commerciaux s’ils offraient de tels services.
Bénéficier d’un emplacement de choix, tant en termes de trafic que d’accessibilité, faire du client et de ses besoins son centre de gravité et, enfin, offrir à ce même client des expériences inoubliables et (hyper) personnalisées. Tels sont les trois piliers du succès, présent et futur, du centre commercial.