« Plus que jamais, nous devons rendre accessibles les magasins bio », Allon Zeitoun, Directeur général de Naturalia.
Allon Zeitoun © Naturalia
Le secteur bio a décliné de 12% en 2022, n’échappant pas à la baisse générale qui touche le secteur alimentaire. Bien que Naturalia tire son épingle du jeu en limitant la casse à 7,7 % de son chiffre d’affaires, l’enseigne spécialisée a réfléchi tout au long de l’année 2022 à l’adaptation de son positionnement afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs. Et parmi les changements déjà mis en place et à venir : agir sur les prix bien sûr mais ouvrir aussi son offre à des produits ‘non bios’, garantis sains et gourmands. Allon Zeitoun, son Directeur général, nous en dit plus …
Pouvez-vous nous présenter le nouveau positionnement de Naturalia ? En quoi cela vous distingue-t-il de vos concurrents dans le secteur bio ?
NATURALIA alliera désormais à sa mission « permettre aux consommateurs de manger sainement », l’exigence de trouver du plaisir dans son alimentation. Aujourd’hui, nous faisons le pari que la solution est une offre saine, irréprochable en termes de goût, dans un magasin qui éclaire l’usage client. Elle est incarnée par notre nouvelle signature : « C’est bon de manger sain ! ». Nous travaillons sur la gourmandise et le plaisir d’achat, ce qui est différent de nos concurrents.
Pourquoi avoir opté pour ce repositionnement ?
Depuis presque 2 ans, nous faisons face à un retournement du marché qui nous a forcément questionnés. Cela nous a permis d’apporter de nouvelles réponses aux problématiques des différents consommateurs qui ont évolué avec les années, tout en nous réancrant dans notre vision initiale « permettre à nos clients de mieux consommer ». Plus que jamais, nous devons rendre accessibles les magasins bio et nous libérer définitivement des clichés négatifs qui collent au bio. Pour cela, nous devons être plus ouverts et inspirants. Nous sommes un distributeur de proximité, nous devons convaincre de nouveaux consommateurs d’entrer dans nos magasins. Quand dans les années 2000, manger bio était une démarche sociétale avec encore beaucoup de nouveauté et de fraîcheur, aujourd’hui le consommateur arbitre entre consommation plaisir et engagement environnemental. Dans un marché en décroissance, nous étions donc obligés de nous poser les bonnes questions et de ne pas nous reposer sur nos lauriers. Nous avons questionné le modèle sur le long terme en cherchant à comprendre le consommateur, ses souhaits et attentes avant de repenser notre modèle et notre positionnement. Il s’agit toutefois d’un retour aux sources car NATURALIA a été fondé sur le besoin de réassurance santé des consommateurs.
Comment expliquez-vous que la bio perde du terrain chez les consommateurs ? Baisser les prix n’aurait-il pas suffi ?
Beaucoup de raisons peuvent expliquer le retournement de marché. Le prix est important, mais n’est pas la seule raison. Le client est perdu avec le brouhaha des labels et éprouve même une méfiance vis-à-vis de la bio. Le client ne veut plus transiger sur le goût et veut se faire plaisir tout en faisant attention à sa santé. Un produit doit être à la hauteur des attentes : goût, efficacité, prix.
Comment comptez-vous concrètement accompagner les consommateurs vers une alimentation saine et gourmande ?
Le renouveau de NATURALIA consiste notamment à repenser le choix et le référencement de son offre. Le label bio ne sera plus forcément un prérequis, nous privilégierons des produits qui répondent à notre cahier des charges, notamment dans quelques catégories où nous interdisons certaines substances (les nitrites, l’huile de palme). Notre volonté est d’aller encore plus loin que la bio notamment, au prisme des aspects santé et goût. En non-alimentaire spécifiquement, les produits devront répondre à une exigence d’efficacité et de plaisir d’utilisation, tout en restant clean. L’idée est d’accompagner les clients non pas par la contrainte, mais par la gourmandise, au travers d’un univers parfois intimidant car inconnu.
Quel type de produits ont pu faire leur entrée dans votre catalogue et à l’inverse quel type de produits n’allez-vous plus vendre ?
Un retravail permanent est réalisé sur l’offre avec une élimination de 10% des produits les moins efficaces (exemple sur des déodorants pour ne pas les citer). Ces renouvellements réguliers participent à une remise en question permanente de l’offre pour intégrer des produits forts, efficaces, gourmands mais aussi les tendances fortes du marché avec des marques accessibles, engagées et plébiscitées notamment par les consommateurs les plus jeunes (exemple avec les Secrets de Loly ou encore Love and Green, Respire, Avril … en non alimentaire ou Hari&Co au rayon frais). Nous avons l’objectif de sortir de nos rayons tous les produits contenant de l’huile de palme d’ici la fin d’année 2023 et sous trois ans, l’ensemble de nos gammes n’auront plus de nitrites.
Peut-on manger sain et bon sans que ce soit bio ?
Le non bio demeurera toujours sans pesticides. Les producteurs et transformateurs doivent impérativement respecter notre cahier des charges. Par exemple, des fruits et légumes produits sans serre chauffée. Nous connaissons des primeurs qui travaillent sans pesticides et que nous pourrons être amenés à faire entrer dans notre offre. Le sujet du non bio concerne, à l’heure actuelle, plutôt le rayon non alimentaire. Les consommateurs sont en attente de bénéfices santé clairs, comme avoir plus de produits sans perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques. En alimentaire aussi, le consommateur attend plus en termes de santé, et ce, au-delà du label AB. C’est ainsi qu’en 2023, nous travaillons à réduire la part de biscuits bio ultra transformés (travail en cours), arrêter les produits contenant de l’huile de palme bio d’ici 2024 ou encore dans notre gamme de charcuterie bio, où nous travaillons à réduire / supprimer les nitrites au-delà des références de jambons blancs. Ces engagements sont des engagements supplémentaires ! Ils ne remplacent pas le label bio.
Il y a aussi l’ambition d’attirer les néophytes vers le bio. Comment faire ?
Cela a déjà évoqué plus haut, mais en synthèse, pour attirer les néophytes, nous avons repensé notre modèle sur la santé et le plaisir avec le discours d’une bio joyeuse et gourmande, tout en gardant en tête la nécessité de répondre au trio : prix, goût, efficacité.
Actuellement nous constatons que les clients qui se détournent du bio « les plus néophytes, ou ceux qui mixaient avec du conventionnel dans leurs courses » gardent souvent une image du bio austère, chère, peu gourmande, pas très efficace. Nous pensons que le magasin doit se réinventer pour reconquérir les consommateurs.
En parlant prix, vous avez une offre d’abonnement, de nombreuses promotions et une inflation qui n’a impacté que de 2% vos clients. Comment faites-vous ?
Le prix a toujours été le principal frein dans la bio. Suivant les catégories de produits, la bio est entre 20 et 50 % plus chère que le conventionnel. Cet écart s’est réduit car, depuis un an, on estime que l’inflation est de 17 % sur un an glissant. Tandis qu’en bio, elle n’est que de 7 % sur le marché. Quasiment tous nos produits proviennent de France, et nous n’avons pas d’intrants chimiques, donc le coût de l’énergie se répercute beaucoup moins sur nos articles. Nous avons répercuté donc cette hausse que de 2 % pour nos consommateurs.
Pour les promotions, nous rognons sur notre marge en espérant retrouver du volume. Nous discutons avec nos fournisseurs qui sont concernés par les promotions et souhaitent y participer. Cela se fait en bonne intelligence. Tout le monde a intérêt à retrouver nos consommateurs en magasin.
En mars 2023, vous avez ouvert un magasin test rue d’Aligre dans le 12e arrondissement de Paris. En quoi se distingue-t-il de vos autres magasins ?
La « Ferme Parisienne» est un nouveau concept qui propose un univers brut, ouvert, qui fait la part belle aux cagettes, aux palettes, loin des codes linéaires de la grande consommation. Les rayons sont désormais organisés par instant de consommation, afin de proposer toutes les alternatives, de la plus gourmande à la plus saine. Par exemple, l’univers « goûter » propose des biscuits, des compotes, des produits sans gluten, des fruits secs, … Des Informations sur le Lieu de Vente (ILV) accompagnent le choix et l’usage d’un produit, tout ça sur un ton connivent. Chaque rayon est raconté, chaque produit est expliqué, « Saviez-vous que le sarrasin kasha est délicieux pour farcir des légumes et qu’il est source de protéines ? ». Avec ce nouveau concept, impossible de sortir du magasin sans avoir compris l’usage et les bénéfices des produits. Chaque support informationnel a vocation à expliquer les différentes catégories de produits et à les mettre en avant.
© Naturalia
Souhaitez-vous le dupliquer dans les autres magasins ?
Le déploiement à d’autres magasins est prévu en effet.
Parlez-nous de votre nouvelle campagne publicitaire assez étonnante ?
Assez étonnante je ne sais pas… Forte et engagée oui ! Notre conviction est que quand on a l’assurance que ce que l’on consomme est sain, on peut d’autant plus se faire plaisir. Or s’il y a de la gêne dans l’alimentation, il n’y a plus de plaisir. Voilà ce qu’incarne notre campagne.